Un président de Caisse de retraites met les pieds dans le plat

Gérard Maudrux, président de la CARMF (Caisse de Retraite des Médecins) et auteur d'ouvrages décapants sur le système de retraite français fait le bilan de la réforme de 2003.

La loi Fillon de 2003 devait « sauver » nos retraites, qu'en est-il aujourd'hui ?
La loi ne devait pas sauver les retraites, mais simplement retarder les vrais problèmes de 2-3 ans. Le but était aussi de diminuer le montant des retraites sans le dire et là, l'objectif est atteint. Quand vous passez de 37 ans de cotisation pour avoir une retraite à taux plein à 42 ans mais que vous continuez à travailler 37 ans (puisqu'on n’a pas touché à l'âge de départ à la retraite), la baisse du montant de retraite est de 12 %.
Quels sont les responsables de la situation inquiétante dans laquelle nous nous trouvons en 2007 ?
Tous les hommes politiques, de droite comme de gauche, des députés aux ministres et aux Présidents, depuis les années 1980. Les problèmes démographiques et l'avenir du « tout répartition » - impossible avec 1 cotisant pour 1 retraité - étaient connus. Il fallait mettre de côté pour compléter les futures retraites, pendant que l'on avait encore une bonne démographie. Au lieu de cela, pour des raisons électoralistes, on a distribué des droits non acquis qui vont aggraver les problèmes démographiques de demain, pendant plus d'une génération.

Quels remèdes préconisez-vous ?
Faire ce que j'ai fait dans ma caisse. En arrivant, je souhaitais changer de système, passer un maximum en capitalisation. Malheureusement, toutes les simulations ont montré qu'il aurait fallu commencer il y a 15-20 ans pour maintenir les retraites au niveau actuel. Nous avons donc décidé de geler le système en vigueur, en informant les affiliés que leurs futures retraites seraient divisées par deux. Ainsi nous les motivions pour qu'ils mettent de côté le complément, pour se constituer dans 30 ans une retraite acquise pour moitié par la répartition et pour moitié, par l'épargne. Le gouvernement fait l’inverse : il fait croire que tout va bien en « tout répartition » , « que l'Etat s’en charge », il empêche ainsi les Français de prendre conscience qu’ils doivent épargner pour l'avenir. Pire, il les prive de leur capacité d'épargne, car pour continuer en « tout répartition », soit il faudra doubler les cotisations, soit il faudra trouver un autre mode de financement (augmentation CSG, TVA, etc …). Dans les deux cas, ce sont les ménages qui trinquent. Nous, professions libérales, avons une petite chance de mieux nous en sortir car notre bonne démographie nous permet encore de constituer des réserves. Dans le seul régime que nous maîtrisons qui est le régime complémentaire, les réserves assureront demain 1/3 de la retraite et les cotisations les 2/3 restants. En commençant 15 ans plus tôt- si le gouvernement nous avait laissé faire- les réserves auraient pu être de la moitié. Ce sont malheureusement les jeunes qui payeront nos erreurs passées.
· *Retraites, le mensonge permanent. Editions Les Belles Lettres. 2000.
· Le livre blanc et noir de l’ASV , édition spéciale de la CARMF. Septembre 2007

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