Les vrais objectifs d'un référendum sur les retraites
Monsieur le Premier ministre,
dans un entretien donné le 27 février au Figaro, vous avez évoqué la possibilité d’organiser un référendum sur les retraites. Cette éventualité répond aux vœux formulés depuis des années par l’association Sauvegarde Retraites.
Mais il convient de définir les objectifs de cette consultation de nos compatriotes, dans un contexte que rendent incertain :
- d’une part, la récente publication par la Cour des comptes d’un « audit flash » des systèmes de retraites, passant sous silence la différence de nature essentielle entre les régimes spéciaux du public et les régimes du privé. Les premiers sont des traitements à vie, tandis que les seconds sont des régimes par répartition obéissant à une logique assurantielle. Par ailleurs, les magistrats des comptes ont décidé de ne pas intégrer au déficit des retraites la subvention de plus de 45 milliards versée par l’État pour financer les pensions de ses fonctionnaires. En conséquence, votre ministre de l’Économie, Éric Lombard, a pu affirmer sans vergogne qu’à l’inverse de ce que vous aviez vous-même déclaré, « il n’y a pas de déficit caché » et que « le sujet important, aujourd'hui, c'est de regarder les retraites du secteur privé ». Autrement dit, il faut craindre que l’effort de la réforme ne pèse une fois de plus sur les affiliés aux régimes du privé, cotisants et retraités, ce qui serait inacceptable !
- d’autre part, votre décision de confier le soin de réformer la réforme Borne aux organisations syndicales. Je vous rappelle que le taux de syndicalisation dans le secteur privé n’atteint pas 8 % (en comprenant les salariés statutaires des entreprises publiques, fortement syndiqués), alors qu’il dépasse 23 % dans la fonction publique de l’État. Les syndicats, qui ne sont aucunement représentatifs des salariés du secteur privé, administrent leur régime de base, sous la tutelle de l’État, et gèrent leur régime de retraite complémentaire, « paritairement » avec les organisations patronales (et toujours sous le contrôle effectif de l’État). Il s’ensuit un conflit d’intérêt, puisque ces mêmes syndicats défendent prioritairement les avantages des régimes spéciaux de retraite du secteur public, principaux viviers de recrutement de leurs adhérents, au détriment des salariés du privé qui ont principalement fait les frais des réformes successives depuis celle conduite sous le gouvernement d’Édouard Balladur en 1993.
In fine, le principe de l’affiliation obligatoire des salariés du privé aux régimes de retraite de base et complémentaire en fait une clientèle captive, qui cotise sans avoir aucun droit de regard sur la gestion que l’Administration et les « partenaires sociaux » font de son argent ; puis, une fois à la retraite, dépend du bon vouloir de l’État. Ce dernier rogne à son gré les pensions via l’impôt (CSG, CRDS, Casa…), décide du taux et de la date des revalorisations dans le régime général et tente régulièrement de piller les réserves de l’AGIRC-ARRCO, constituées grâce aux efforts des affiliés à ce régime complémentaire en vue de préserver l’avenir.
Un référendum sur les retraites devra viser à remédier à ces graves défauts et avoir pour objectifs :
- de rétablir l’équilibre financier de l’ensemble des systèmes de retraite (ce qui suppose de supprimer les régimes spéciaux, responsables de l’essentiel du déficit) ;
- d’instaurer l’équité entre tous les affiliés (« à contribution égale, pension égale ») ;
- et de restaurer la démocratie sociale, telle que l’avait définie en 1947 le « père de la Sécurité sociale », Pierre Laroque, en annonçant « des élections générales en vue de pourvoir à la désignation des conseils d’administration des caisses de Sécurité sociale et d’Allocations familiales », qui devaient être « gérées par les intéressés eux-mêmes ou par leur représentants élus qui pourront mieux que quiconque orienter l’emploi des fonds et le fonctionnement même des services dans le sens des désirs des travailleurs ».
Or, depuis les années 1980, les élections ont été supprimées au profit d’un mode de désignation opaque et nébuleux, qui donne tout pouvoir sur le régime général des salariés à un conseil d’administration rassemblant essentiellement des représentants des organisations syndicales et patronales reconnues par l’État et à des personnes qualifiées désignées par l’État. De même, le régime complémentaire AGIRC-ARRCO est géré par les « partenaires sociaux » – c’est-à-dire des organisations syndicales qui représentent moins de 8 salariés du privé sur 100 ! La situation actuelle des retraites commande aujourd’hui de restituer aux salariés du secteur privé le pouvoir de contrôle sur l’utilisation des cotisations prélevées sur leurs salaires et sur la gestion de leurs régimes de retraite.
Je vous demande donc instamment, monsieur le Premier ministre, de faire du retour à l’équilibre financier des systèmes de retraite, du rétablissement de l’équité entre les affiliés aux différents régimes et de la restauration de la démocratie sociale, les principaux objectifs du référendum que vous envisagez.