Réforme : supprimons d’abord les régimes spéciaux !
Madame le premier Ministre,
En présentant votre projet de réforme, vous avez déclaré qu’il répondait à « une ambition de justice et de progrès » et garantirait « l’équilibre de notre système en 2030 ». Il apparaît toutefois que vous n’envisagez pas de toucher aux régimes spéciaux de la fonction publique. Or, ces régimes entretiennent un manque d’équité entre les fonctionnaires et les Français affiliés aux régimes du secteur privé. En outrent, ils sont structurellement déficitaires et creusent la dette publique. Faute de les supprimer, les deux objectifs que vous avez définis sont voués à l’échec.
Le maintien de ces régimes constitue la plus grave injustice en matière de retraite. Votre projet de réforme n’établit pas l’équité entre tous les Français devant la retraite. Les modalités de calcul (très favorables) de la pension des fonctionnaires, l’âge de départ à la retraite précoce dont profitent un grand nombre d’entre eux (700 000, selon un rapport de la Cour des comptes publié en 2016), et les autres avantages attachés à leurs régimes (réversion sans conditions, bonifications familiales plus généreuses…) demeureront inchangés.
Surtout, les pensions des fonctionnaires, dites à "prestations définies", sont garanties par l’Etat, à hauteur de 75 % au minimum du dernier traitement pour une carrière complète. Au contraire, les régimes du privé fonctionnent à cotisations définies », c’est-à-dire que le niveau des pensions dépend des cotisations collectées et n’est nullement garanti : à l’Agirc-Arrco, régime complémentaire des salariés du privé, il baisse ainsi de manière continue depuis trente ans. En réalité, Madame le premier Ministre, il est erroné de parler, comme vous le faites, de « préserver notre système de retraite par répartition », car plusieurs systèmes de retraite coexistent en France et seuls ceux du privé fonctionnent par répartition (les cotisations versées par les actifs servant à payer les pensions des retraités). Au contraire, les pensions servies par les régimes spéciaux des fonctionnaires et du secteur public en général, sont financées avec les impôts prélevés sur l’ensemble des contribuables (y compris, par conséquent, les cotisants et retraités affiliés aux régimes du privé). Elles répondent à une logique de traitement à vie, alors que celles du secteur privé procèdent d’une logique assurantielle.
Ainsi, aux régimes du privé, maintenus structurellement à l’équilibre grâce aux efforts – largement sous-estimés – qu’ont consentis leurs affiliés, s’opposent les régimes spéciaux du public, qui, eux, sont structurellement déficitaires.
En outre, la persistance des régimes spéciaux de la fonction publique empêche, de facto, d’équilibrer l’ensemble des dépenses de retraite. Au printemps dernier, un collectif de hauts-fonctionnaires écrivant sous pseudonyme dans la revue Commentaire, a estimé leur déficit à 30 milliards d’euros, ce qui paraît être un minimum.
Nous vous rappelons, Madame le premier Ministre, qu’en 2017, à l’époque de sa première élection à la présidence de la République, Emmanuel Macron avait promis de rétablir l’équité de tous les Français devant la retraite. Force est de constater que votre projet prend le chemin inverse. C’est pourquoi je vous demande de procéder urgemment, non pas à la fermeture des régimes spéciaux de la fonction publique – ce qui induirait l’application de la « clause du grand-père » et donc leur persistance jusqu’au siècle prochain, au moins –, mais à leur suppression immédiate.