Le COR cache la vérité, supprimons-le !
Monsieur le Premier ministre,
Chargé « d'analyser et de suivre les perspectives à moyen et long terme du système de retraite français », le Conseil d’orientation des retraites (COR) – instance rattachée à vos services – publie chaque année un rapport public et formule « des analyses et recommandations » sur l’avenir des systèmes de retraite.
Depuis de nombreuses années, Sauvegarde retraites – association qui réclame une réforme structurelle des systèmes de retraites, notamment la suppression des régimes spéciaux – conteste les prévisions du COR, dont elle a identifié le caractère outrancièrement optimiste. Ses « projections » sont en effet basées sur des hypothèses de travail fournies par les gouvernements en place pour justifier les politiques conduites en matière de retraite. Depuis trop longtemps, la vérité sur la situation des retraites est donc occultée par le COR, qui sous-estime systématiquement le déficit des retraites.
L’écart entre ses prévisions et la réalité est en effet abyssal : tandis que le COR annonçait un excédent de 3,8 milliards d’euros pour 2023 et un déficit de 6,1 milliards d’euros pour 2024, vos propres estimations situaient ce déficit dans une fourchette de… 45 à 55 milliards d’euros. L’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve parle même de 70 milliards d’euros, chiffre qui correspond peu ou prou aux estimations de l’ancien inspecteur général des finances Jean-Pascal Beaufret.
En clair, notre pays a vécu une opération organisée de maquillage du déficit des retraites. Au cœur de l’entourloupe : l’occultation du coût réel des régimes spéciaux, en premier lieu celui de la fonction publique d’État. Vous-même l’avez souligné dans la note du Haut-commissariat au plan publiée le 8 décembre 2022 sous votre autorité : pour pouvoir prétendre que nos régimes de retraite sont « en excédent », le COR ne retient que ceux du privé et s’abstient de prendre en compte les régimes spéciaux du public, dont les déficits sont couverts et masqués par les subventions qui leur sont servies aux frais des contribuables… Plus récemment, un rapport du Sénat, publié en annexe de la loi de finances pour 2024 (annexe 25, Régimes sociaux et de retraite), évaluait à 38,5 milliards d’euros la « subvention d’équilibre fictive » versée par l’État en 2021 pour équilibrer les comptes du seul régime de la fonction publique d’État !
Ce subterfuge, qui consiste à occulter le coût réel du régime des fonctionnaires, a été utilisé depuis un quart de siècle pour occulter l’urgence d’une réforme systémique des retraites, commençant par la suppression des régimes spéciaux, notamment celui des fonctionnaires. Ce mensonge, sur lequel vos prédécesseurs à Matignon ont fermé les yeux pour ne pas avoir à affronter la difficulté politique et sociale d’une vraie réforme de fond, n’a que trop duré et trop coûté à notre pays. La France a pris 25 ans de retard alors que l’urgence de cette grande réforme existait déjà lorsque le COR a été créé en 2000. Ce « secret de polichinelle » est désormais exposé au grand jour.
Pourtant, quelques semaines après la publication de l’étude du Haut-commissariat au plan, le président du COR Pierre-Louis Bras a déclaré devant la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le 19 janvier 2023, que les dépenses de retraite étaient « relativement maîtrisées ». Or, en plein débat sur la réforme des retraites, ces propos ne correspondaient plus aux attentes du gouvernement. Pierre-Louis Bras a été limogé en octobre de la même année, montrant les étroites limites de la prétendue indépendance du COR.
Il ne s’agit cependant pas d’abord d’un problème de personne mais d’un grave problème de fond concernant cette institution rattachée à vos services et à laquelle vous-même, Monsieur le Premier ministre, ne faites plus confiance. Lors de votre discours de politique générale du 14 janvier 2025, vous avez implicitement désavoué le COR en annonçant confier à la Cour des comptes un « audit flash » des systèmes de retraite en France. Notre association s’en réjouit. Voilà longtemps que Sauvegarde Retraites demande instamment qu’un audit des retraites soit organisé par une instance indépendante.
Il vous reste désormais à tirer les conclusions qui s’imposent : le COR doit être supprimé et les Français informés de l’état financier réel des retraites.
C’est pourquoi je vous demande instamment, Monsieur le Premier ministre :
1/ de supprimer purement et simplement le Conseil d’orientation des retraites ;
2/ d’inclure dans l’audit que vous demandez à la Cour des comptes un état complet du coût réel des régimes spéciaux de retraites depuis 25 ans, en particulier de la Fonction publique d’État ;
3/ d’engager, à la suite de cet audit, une réforme structurelle des systèmes de retraites, laquelle commence par la suppression concrète des régimes spéciaux de retraite.