Report de la revalorisation : le gouvernement veut faire payer à tous les retraités les déficits des régimes du public !

Faute d’envisager l’indispensable réforme structurelle des retraites qu’exige la situation économique de la France, le Premier ministre veut reporter la revalorisation des pensions.

Après des décennies d’impéritie, les finances publiques françaises sont dans un tel état que le gouvernement est acculé à chercher toutes les voies d’économies possibles. Dans cette optique, il est tentant pour lui de tailler dans les retraites, qui représentent 345 milliards d’euros. Le Premier ministre, Michel Barnier, veut ainsi reporter de six mois (du 1er janvier au 1er juillet 2025) la date revalorisation des pensions, ce qui représenterait pour l’Etat une économie de quelque 4 milliards d’euros – et pour les retraités, une bien mauvaise surprise en cette fin d’année... Cette mesure pourrait toutefois être remplacée, si les députés le proposent, par un gel des retraites des « plus aisés » seulement, ou bien une « revalorisation différenciée des pensions » en fonction des revenus, mesure à laquelle l’Etat avait déjà eu recours à titre "exceptionnel" en 2020. Mais on sait qu’en cette matière, l’exception tend vite à devenir la règle : quatre ans plus tard, le même procédé est donc à nouveau envisagé.

Abusivement présentés comme des nantis par les services de l’Etat au long des dernières années, les retraités sont donc dans le collimateur des politiques et de l’Administration – qui sont pourtant les premiers responsables de la situation actuelle. En effet, le poids des retraites dans la dette publique découle en grande partie de l’absence d’une réforme de fond, que les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de différer. En dernier lieu, le premier ministre Elisabeth Borne n’a accouché (aux forceps !) que d’une réforme paramétrique. Auparavant, Edouard Philippe avait profité de l’épidémie de Covid-19 pour enterrer (après l’avoir vidée de l’essentiel de son contenu déjà insuffisant), la réforme préparée par le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye…

Les politiques veulent aujourd’hui faire payer aux retraités le prix de leur démagogie mais ils ne se montrent pas plus courageux qu’hier. Des mesures telles qu’un report de la revalorisation ou une « revalorisation différenciée des pensions » ne sont que des subterfuges pour éviter de traiter la première cause du déficit des retraites : le coût colossal des régimes spéciaux du secteur public, à commencer par ceux des fonctionnaires. Déguisés derrière des subventions d’équilibre et de pseudo-surcotisations payées par les contribuables, les déficits conjugués de ces régimes avoisinent 57 milliards d’euros (49 milliards pour les seuls régimes des fonctionnaires), sur 70 milliards de déficit au total pour l’ensemble des systèmes de retraite.

La gestion de ces régimes spéciaux est d’autant plus calamiteuse qu’ils ne répondent pas à une logique assurantielle, en vertu de laquelle les pensions versées sont calculées en fonction des cotisations perçues. Faussement présentés comme des régimes de retraite, ils ressortent en réalité d’un système de traitement à vie dont le niveau est garanti par l’Etat, sans souci d’équilibre budgétaire. Un système que le gouvernement se garde bien de remettre en cause ! Comme toujours depuis la mise en œuvre de la réforme Balladur de 1993, le pouvoir préfère traire les éternelles vaches à lait du secteur privé : ainsi, tous les retraités sont-ils priés de mettre au pot pour combler le trou provoqué par l’absence de gestion des régimes spéciaux du public. Au reste, l’expérience laisse prévoir que les efforts demandés aux agents publics seront, comme toujours, compensés…

Le report de la valorisation (de même que l’idée d’une revalorisation différenciée) revient donc à faire payer aux affiliés aux régimes du privé, dont les régimes complémentaires sont budgétairement équilibrés, les déficits de ceux du public, au nom de la « solidarité ». En réalité, cette prétendue solidarité n’est qu’un attrape-nigaud, puisque les affiliés aux régimes du privé se sont vu imposer au cours des dernières décennies des efforts considérables pour maintenir l’équilibre financier de leurs régimes et sont loin de bénéficier d’avantages comparables à ceux du public. Quant à l’équité entre les Français en matière de retraites, elle passe une fois de plus à la trappe !

* En 2020, la pension de base des retraités percevant mensuellement moins de 2 000 euros bruts de pension (tous régimes confondus) avait été revalorisée à hauteur de 1 %, tandis que celle des retraités dépassant ce seuil ne l’avait été que de 0,3 %.


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