Les retraités ne veulent plus être otages des calculs politiciens
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La complexité de la question, la réflexion sur la nécessité et le contenu d’une réforme structurelle, sont évacuées au profit d’une interrogation sommaire : pour ou contre le report à 64 ans de l’âge légal de départ ? Ainsi posée, la question a l’avantage, pour la caste politicienne, de couper court aux analyses. À de rares exceptions près, les arguments avancés sont d’une regrettable indigence et cachent mal des calculs partisans. La question des retraites vaut pourtant mieux que cet étalage de démagogie. Rappelons que les pensions de retraite représentent une dépense annuelle de près de 353 milliards d’euros.
Mettant à profit la désinformation de l’opinion publique par les médias, notamment sur la base des projections très optimistes émises par le Conseil d’Orientation des Retraites, les principaux partis d’opposition sont en embuscade, prêts à utiliser le thème de la réforme pour faire chuter un gouvernement fragilisé qui ne peut s’appuyer sur aucune majorité. L’actuel Premier ministre a donc pour premier objectif de durer davantage que son prédécesseur.
À cette fin, François Bayrou opte pour l’attentisme. Après avoir commandé un « audit-flash » des retraites (qui ne sera pas inutile) à la Cour des comptes, il confiera le soin de plancher sur la future réforme aux « partenaires sociaux ». Autrement dit, aux syndicats qui recrutent essentiellement leurs adhérents parmi les bénéficiaires des régimes spéciaux du public, lesquels constituent la première cause du « trou » des retraites. Autant donner un lance-flammes à un incendiaire pour éteindre le feu !
Ce faisant, François Bayrou n’a pas pour but de remédier au gigantesque déficit des retraites par une véritable réforme de fond, mais veut seulement gagner du temps pour éviter qu’une nouvelle motion de censure déposée à l’Assemblée nationale ne fasse tomber son gouvernement. Si les « partenaires sociaux » ne parviennent pas à se mettre d’accord (ce qui est hautement prévisible) sur une réforme susceptible de garantir l’équilibre du système de retraites avant la discussion de projet de loi de finances de la sécurité sociale, à l’automne prochain, la réforme Borne de 2023 s’appliquera. Autrement dit, nous serons revenus à la case départ après avoir perdu un temps précieux.
Les politiciens privilégient ainsi leurs intérêts partisans à court terme dans un contexte économique de plus en plus défavorable et se querellent autour de la barre du navire France en train de couler. Englué dans ses gabegies, dont il est incapable de sortir faute d’une volonté politique, l’État continue à emprunter à tout va alors que les taux d’intérêt remontent dangereusement, provoquant un effet boule de neige sur le déficit et la dette publique. Le « trou » des retraites contribue largement à cette dégradation des comptes de l’État. Le Premier ministre l’évalue entre 45 et 55 milliards d’euros, tandis que l’ex-inspecteur général des Finances Jean-Pascal Beaufret et l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve le situent autour de 70 milliards d’euros.
Depuis sa création, Sauvegarde Retraites n'a eu de cesse de réclamer une vraie réforme de fond : elle s’impose de toute urgence ! À défaut, il ne faut pas être un spécialiste des finances publiques pour prévoir que les actifs et les retraités feront les frais de la pleutrerie des politiciens, que ce soit par l’accélération de la diminution des taux de remplacement (rapport entre le montant de la retraite et la dernière rémunération perçue) entamée depuis plus de trente ans dans les régimes du privé, ou par la baisse des pensions. Le ministre du Travail vient ainsi de suggérer une nouvelle hausse de la CSG sur les retraites, qui constituerait un coup de rabot fiscal inacceptable.