A quand un régime de retraite unique ?

Le professeur d'économie Jacques Bichot, lors d'un petit-déjeuner organisé par Sauvegarde Retraites, met en lumière la complexité de la loi Fillon et prône la mise en place d'un régime unique.

La loi sur les retraites se présentait comme LA plus importante depuis 1945. Grandes étaient ses ambitions, ses réalisations ne sont pas à la hauteur. - Le Financement 43 milliards d'euros ! C'est le montant du déficit prévisionnel à l'horizon 2020 en matière de retraites. Et encore, ce chiffre n'est qu'approximatif tant il vrai qu'il est difficile de faire des prévisions à si long terme. Quand on sait, en plus, que la loi Fillon ne comble que 40% de ce déficit, on peut émettre de sérieuses réserve sur la réforme adoptée le 21 août dernier. D'autant plus que ce taux de 40% repose sur des perpectives quelque peu optimistes : un taux de croissance à 2,5% pendant 20 ans et un taux de chômage de 4,5%. En 2003, le taux de croisssance sera inférieur à 1% et le taux de chômage avoisinera les 10% ; le pari est donc loin d'être gagné! - L'équité public-privé Le problème de l'équité est mal posé par la réforme. Tout d'abord, la loi Fillon ne s'attaque pas aux régimes spéciaux. Louis Gallois, le Président de la SNCF, déclarait récemment que le problème des retraites à la SNCF était "un problème interne". Quand on sait que le déficit de la SNCF est comblé par le portefeuille de chacun, cette prise de position semble plutôt sujette à caution. En second lieu, on compare la retraite des fonctionnaires à la seule retraite de base des salariés du privé ; on fait l'impasse sur les retraites complémentaires. Or, le système est très différent. Le régime général fonctionne par annuités, les régimes complémentaires par points. Un système par points est beaucoup plus simple et le cotisant sait où il en est. Pour déterminer sa retraite, il lui suffit de multiplier son nombre de points par une valeur du point fixée, chaque année, par les Caisses. Pourquoi, dès lors, ne pas créer pour le public un régime de retraite qui fonctionnerait également par points plutôt que de vouloir l'aligner sur ce qui marche le moins bien, à savoir le régime de la sécurité sociale? En troisième lieu, au nom de l'équité, la réforme introduit la décote dans le régime public. La décote pénalise durement ceux qui ont des carrières courtes : c'était déjà l'instrument d'inégalité le plus important du régime privé car on donnait beaucoup moins, en proportion de leurs cotisations, aux personnes qui avaient des carrières incomplètes. A cause de cette décote, 61% des femmes et 15% des hommes se retrouvaient avec une pension réduite à la portion congrue. Pourquoi importer cette disparité dans le public? N'aurait-il pas été plus astucieux de calculer la retaite au prorata du temps de travail comme c'était le cas, avant la réforme, dans le régime public ? Enfin, une vraie injustice demeure : celle du mode de calcul du salaire de référence à partir duquel est déterminée la pension de retraite : 6 derniers mois pour le public, 25 meilleures années pour le privé. - Le pilotage Comment piloter efficacement une centaine de régimes de retraite différents dans le privé, sans parler des régimes spéciaux dans le public ? Comment assurer la confiance des futurs retraités, quand on émet de faux-droits à la retraite, sur une durée très longue et que ces droits sont remis en question par les gouvernements successifs ? Car la jurisprudence de la Cour de Cassation est très claire : tant que la liquidation de la pension n'est pas réalisée, on peut changer les règles du jeu. Quelle solution aurait -il fallu adopter pour éviter toute cette complexité? L'unification des régimes de retraites : la mise en place d' un seul régime pour tous en France, fonctionnant uniquement par points. Le cotisant aurait conservé l'intégralité des droits acquis avant la réforme, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2003 et, à partir du 1er janvier 2004, on aurait démarré sur un régime unifié. Option que n'a pas prise le gouvernement. Désormais, la question qui se pose est "à quand la nouvelle réforme des retraites" ? N.B.: pour en savoir plus, vous pouvez lire le Professeur Jacques Bichot dans la rubrique Paroles d'experts.


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