Les pas de deux du gouvernement sur la réforme

« Un pas en avant, deux pas en arrière, un pas sur le côté et deux pas de l’autre côté. » La réforme des retraites commence furieusement à ressembler à la chanson enfantine

  • Un pas en avant : Jean-Paul Delevoye, ministre chargé de la réforme, avait annoncé le passage à un régime à points et l’abandon des annuités.
  • Deux pas en arrière : Emmanuel Macron fait savoir qu’il est plutôt favorable à une augmentation de la durée de cotisation. Autrement dit, on n’abandonnerait plus réellement le système des annuités, ce qui vide la réforme de son contenu. Comme le dit un syndicaliste F.O., Philippe Pihet, dans le Parisien du 5 septembre : « La durée de cotisation, ça n’existe pas dans un système par points ! » En fait, Pihet est bien placé pour savoir que ça existe, puisque le régime complémentaire des salariés du privé, AGIRC-ARRCO, à la gestion duquel les syndicats sont associés, fonctionne à la fois par points et par annuités. Il est donc plus juste de dire que ça ne devrait pas exister, car en pareil cas le système par points perd sa logique propre et son intérêt, qui consiste à laisser davantage de liberté aux affiliés.

En outre, comme le remarque Pierre-Edouard du Cray dans un article publié sur le site de Capital, cette annonce du Président de la République contredit son objectif initial d’équité : « Car pour qu’à contribution égale les pensions soient égales, encore faudra-t-il que les intéressés puissent justifier d’une même durée de carrière, ce qui sera rarement le cas... Or le principe d’équité sacrifié, c’est évidemment la porte ouverte au maintien, sous une forme ou sous une autre, des régimes spéciaux. »

  • Un pas sur le côté : au terme de deux ans de pseudo-« concertation » avec des publics choisis, Jean-Paul Delevoye a enfin rendu sa copie au mois de juin dernier.
  • Deux pas de l’autre côté : le même jour, il a précisé que ses « préconisations » n’engagent que lui. Deux ans de travail – dûment rémunéré – avec une équipe nombreuse, deux ans aussi de discussions, de réunions, de colloques : pour ça ! Et le pensum à peine rendu, le Premier ministre Edouard Philippe annonce que l’on repart sur une nouvelle concertation. Comme dit la chanson : quand c’est fini, ça recommence ! Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage, conseillait Boileau. Mais l’ouvrage du gouvernement en matière de retraites ressemble à celui de Pénélope, qu’elle défaisait la nuit et recommençait le jour.

En outre, Jean-Paul Delevoye « préconise » une lente, très lente période de transition, qui s’étirerait jusqu’en 2040, avant d’en finir vraiment avec les régimes spéciaux.


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