Comment l'Etat verrouille les réformes

Pour bloquer la réforme de fond que nécessite l’état de notre système de retraite, l’Etat recourt à un procédé très simple : nommer le même haut-fonctionnaire, zélé et « politique », à tous les postes clés.

Pour bloquer les réformes, l’Etat s’appuie sur une haute-fonction publique d’autant plus encline à défendre les régimes spéciaux des fonctionnaires qu’elle y est elle-même affiliée. L’exemple le plus caractéristique et le plus symbolique de cette caste est sans doute Mme Yannick Moreau.
Énarque, conseiller technique au secrétariat général de l’Elysée sous François Mitterrand, promue conseiller d’Etat en 1990, puis nommée à la présidence du Conseil d’orientation des retraites (COR) en 2000, par le premier ministre socialiste, Lionel Jospin, elle a été promue par la suite à la tête de la Commission pour l’avenir des retraites – la fameuse « commission Moreau » qui a préparé la non-réforme Touraine de 2013.
Elle préside aujourd’hui la section sociale du Conseil d’Etat, ainsi que, depuis juillet 2014, le Comité de suivi des retraites. À ce dernier titre, elle devait organiser la « grande réflexion nationale » pour une réforme structurelle des retraites, prévue par la loi Woerth de 2010. On en connaît la conclusion : un enterrement de première classe opéré par un club fermé d’agents publics !
Cela fait beaucoup de présidences pour bien peu de résultats. Pourtant, Yannick Moreau n’occupe pas de simples fonctions honorifiques dans des comités « Théodule » sans importance. Ces comités remplissent en effet une véritable mission : bloquer toute velléité de réforme profonde des retraites, pour protéger notamment les régimes spéciaux, et en premier lieu celui de la fonction publique auquel elle est elle-même affiliée. Yannick Moreau est en quelque sorte la femme-orchestre du verrouillage du système.
Mais ce n’est pas tout : il se trouve que cette représentante typique de la collusion entre la haute fonction publique et le milieu politique, préside également l’un des rares régimes spéciaux qui concerne… des salariés du privé ! À savoir, en l’occurrence, la caisse du régime des clercs et employés de notaires (CRPCEN). La présence de Madame Moreau à la tête de cette caisse est d’autant plus insolite qu’elle n’y est évidemment pas affiliée. Voilà un bien curieux mépris de la démocratie sociale, de la part d’une personne qui préside en outre les séances du Haut conseil du dialogue social (auquel François Fillon la nomma en 2008). C’est à croire qu’il faut nécessairement une spécialiste des régimes spéciaux pour diriger un régime spécial !
Le programme de travail du COR pour l’année 2016 prévoit de procéder en septembre prochain, « comme chaque année », à l’audition de Yannick Moreau, ex-présidente du COR et présidente du Comité de suivi des retraites, pour commenter l’avis qu’aura rendu le Comité de suivi des retraites le 15 juillet. L’on peut douter que notre système de retraite s’en trouve révolutionné…

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