Les retraites sacrifiées au paritarisme
Reste à savoir quelle est la priorité des « sauveteurs »…
Côté complémentaires, pour éviter l’assèchement à brève échéance des caisses de l’Agirc et de l’Arrco, les affiliés de ces régimes vont consentir de nouveaux sacrifices importants. Prolongation de l’activité, hausse des cotisations, gel des pensions : le régime est sévère. Et si rien ne change, rien ne dit que les problèmes soient résolus à terme. En revanche, le gâteau paritaire dont se repaissent les organisations professionnelles, Medef et syndicats, est intégralement préservé – et c’est l’enjeu principal…
Il s’agit moins, au bout du compte, de sauver les retraites que de préserver le paritarisme, alors qu’il montre aujourd’hui ses limites. En effet, il ne garantit pas une saine gestion des caisses, que leurs gestionnaires ont laissé se dégrader jusqu’à devoir agir dans l’urgence et la douleur alors que le fonctionnement normal d’un régime à points leur donnait tous les leviers pour équilibrer les comptes à temps, mais la prospérité du Medef et des syndicats – donc des syndicalistes…
Rappelons que ces syndicats ne représentent qu’eux-mêmes, en particulier dans le secteur privé où le taux de syndicalisation ne dépasse pas 5 %. Au mépris de la démocratie sociale, c’est pourtant à eux seuls et au Medef qu’est confiée la gestion des complémentaires Agirc et Arrco – régimes qui fonctionnent en situation de monopole et auxquels tous les salariés du privé sont contraints de cotiser. Et ces « gestionnaires » décident à leur gré du niveau des cotisations et des pensions sans jamais rendre de compte aux affiliés.
Pis encore : certains syndicalistes siégeant aux conseils d’administration des caisses ne sont pas affiliés à l’Agirc et à l’Arrco, mais à des régimes du secteur public ou apparenté. C’est également le cas de certains des négociateurs qui ont représenté leurs centrales pour préparer l’accord en cours : ainsi Pascale Cotton, qui a paraphé les accords pour la CFTC, dont elle est Secrétaire générale confédérale, a fait carrière à La Poste…
En outre, les organisations dont dépendent les syndicalistes appelés à gérer « paritairement » les caisses du privé sont contrôlés par les syndicats de la fonction publique, où le taux de syndicalisation est trois fois plus élevé (plus de 15 %) et qui bénéficient des très généreuses « mises à disposition » de fonctionnaires que leur consent l’Etat : officiellement 17 000 agents (en postes équivalents temps plein) selon le ministère de la Fonction publique, en réalité au moins 28 000 pour les trois fonctions publiques, selon les estimations du rapport Perruchot sur le financement des syndicats.
Autrement dit, les syndicalistes du secteur public contrôlent les syndicats appelés à gérer les caisses du privé ! La boucle est bouclée et l’on comprend mieux pourquoi, tandis que les régimes du privé – et eux seuls – se voient imposer des mesures drastiques, les régimes spéciaux du secteur public sont systématiquement épargnés.
Bien que la presse le présente comme acquis, le nouvel accord sur les complémentaires Agirc-Arrco ne sera finalisé et signé que le 30 octobre. Les grandes lignes en ont toutefois été dévoilées. Seraient envisagés, à partir de 2019 :
- le report à 63 ans de l’âge de départ avec une retraite à taux plein (pour 41,5 années de cotisation)
- la mise en place d’un système de décote-surcote en fonction de l’âge de départ
- une hausse des cotisations…
En outre, dès 2016 et pendant trois ans, les pensions seraient revalorisées un point sous l’inflation et le coût d’achat du point Agirc-Arrco augmenterait – ce qui équivaut aussi à une hausse de cotisation, ou à une baisse des pensions à venir.
Les nouveaux accords sur l’Agirc-Arrco, présentés comme un « sauvetage », ne feront ainsi qu’aggraver les différences de traitement qui prévalent, en matière de retraites, entre les deux sphères publique et privée.