Régimes à prestations définies : ce qui est vrai pour les entreprises doit l'être aussi pour l'Etat
Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, a l’amabilité de se préoccuper du paiement des retraites surcomplémentaires d’entreprise, dites « retraites chapeaux » que certains employeurs du secteur privé promettent à leurs salariés. À cette fin, elle vient de publier une ordonnance obligeant les entreprises à garantir les engagements pris au titre de ces retraites surcomplémentaires (1), afin de protéger les salariés en cas de faillite de l’employeur.
Ces régimes sont dits « à prestations définies », ce qui signifie que le montant des pensions qui sont versées est fixe et n’est pas susceptible d’être aménagé selon la conjoncture et la situation financière de l’entreprise. Il s’agit, en somme, d’une promesse que l’employeur fait à ses salariés pour les fidéliser sans bourse délier dans l’immédiat : autrement dit d’un report de dépenses.
Ce type de régime est souvent toxique, comme l’a montrée l’affaire Enron aux Etats-Unis : l’entreprise, ayant démesurément multiplié les engagements de ce type, s’est trouvée dans l’impossibilité de les honorer lorsque les départs à la retraite de ses salariés se sont multipliés. Enron a fait faillite, laissant à l’Etat américain le soin de payer les retraites… aux frais des contribuables.
Il se peut donc que le gouvernement et l’Etat français veuille décourager les entreprises d’avoir recours à ce type de procédé, pas toujours orthodoxe en fait de gestion.
Mais l’État français n’est sans doute pas le mieux placé pour condamner ces pratiques, puisque le régime spécial dont ses agents bénéficient est, lui aussi, à prestations définies (montant garanti correspondant à 75 % du traitement des 6 derniers mois) et correspond aussi à un report de dépenses. En outre, les engagements de l’Etat ne sont couverts par aucune réserve et le paiement des pensions des fonctionnaires est entièrement financé par les contribuables d’aujourd’hui et de demain, via l’impôt et la dette.
Ce qui est vrai des entreprises ne le serait-il pas de l’Etat lui-même ? Pourtant, le gouvernement continue de refuser la réforme de fond qui permettrait d’assainir la situation en supprimant les régimes spéciaux. Comme toujours, c’est : « faites ce que je dis, pas ce que je fais… »
(1) Dans la limite d’une fois et demi le plafond de la Sécurité sociale, (soit actuellement 57 060 €), par bénéficiaire et par an.
- Mots clés :
- inégalité public privé