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L’ahurissant rapport du député Delautrette pour résorber le déficit retraite des fonctionnaires locaux aux frais de tous les Français

Le régime spécial des fonctionnaires locaux et hospitaliers est dans le rouge vif. Pour (soi-disant) y remédier, un rapport d’information parlementaire récemment publié avance des solutions qui reviennent à faire payer les autres, sans se réformer.

Le 13 mai 2025, le député socialiste Stéphane Delautrette, président de la délégation aux collectivités locales de l’Assemblée nationale, a fait enregistrer à l’Assemblée nationale un rapport d’information « sur le financement de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales » (la CNRACL), autrement dit des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Ce document fait écho à un précédent rapport de l’IGAS, publié en septembre 2024, qui faisait état du pillage des ressources de la CNRACL auquel l’Etat s’est livré après l’explosion des effectifs de la fonction publique territoriale, dans les années 1980. Aujourd’hui, ces fonctionnaires territoriaux arrivent massivement à la retraite et le régime, structurellement déficitaire et endetté, n’a pas les moyens d’y faire face.

Soi-disant pour y remédier, le rapport Delautrette propose un catalogue de fausses solutions, préjudiciables aux contribuables et aux affiliés à des régimes sociaux et de retraite qui sont beaucoup moins bien lotis. Pour les justifier, le député et les intervenants aux tables rondes préparatoires s’appuient sur un ramassis de bobards et de contre-vérités flagrants.

Ainsi peut-on lire que la CNRACL, régime spécial de retraites des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, est financé par les cotisations employeurs. Stéphane Delautrette affirme en effet, sans vergogne, que « la structure des recettes de la CNRACL, composées à 97,1 % de cotisations, est une anomalie au milieu de régimes de retraite qui se financent, pour une part non négligeable, par l’impôt. » De même, l’inspecteur des affaires sociales « en service extraordinaire » Yannick Le Guillou, participant à une table ronde, déclare que « le fait que la CNRACL soit presque entièrement financée par des cotisations constitue, effectivement, un handicap spécifique au regard de la situation des autres régimes de retraite. À titre de comparaison, les cotisations ne représentaient que 66,6 % des ressources de l’ensemble des régimes de retraite en 2022, contre plus de 99 % à la CNRACL. »

Ces assertions sont complètement fausses :

  • d’une part, la CNRACL ne répond pas à une logique assurantielle. En effet, comme les autres régimes spéciaux du secteur public (à commencer par celui des fonctionnaires de l’Etat), elle ne sert pas à ses affiliés des pensions de retraite à proprement parler, mais des traitements à vie. Dans ces régimes, dits à « prestations définies », le montant de la pension servie est calculé sur la base des six derniers mois d’activité. De la sorte, à la CNRACL, le taux de remplacement (montant de la retraite par rapport au dernier salaire) n’a jamais baissé : il équivaut invariablement à 75 % au minimum du dernier traitement pour une carrière complète – et cela, indépendamment du déficit structurel de ce régime, « dont nul ne conteste la situation de plus en plus critique », de l’aveu même de Stéphane Delautrette.

(Au contraire, dans les vrais régimes de retraite, dits à « cotisations définies », les pensions sont calculées en fonction des cotisations perçues, afin de maintenir l’équilibre budgétaire. À l’Agirc-Arrco (régime complémentaire des salariés du secteur privé), le respect de cet impératif a entraîné une baisse sensible des taux de remplacement au long des dernières décennies.)

  • D’autre part, il est aussi faux de prétendre que la CNRACL finance les pensions des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers sans avoir recours à l’impôt, puisque les prétendues « cotisations » que ce régime perçoit proviennent de la fiscalité, en particulier des taxes et impôts locaux. De même que le pseudorégime de retraite des fonctionnaires de l’Etat, la CNRACL a d’ailleurs recours à des subventions publiques présentées sous la forme de « surcotisations », à hauteur de 8 milliards d’euros selon l’ancien inspecteur général des finances Jean-Pascal Beaufret.

Néanmoins, le rapport Delautrette part de ces constats erronés (entre autres) pour formuler dix « recommandations » qui se résument à faire appel à la fiscalité et à siphonner d’autres caisses, sous prétexte de résorber le déficit de la CNRACL. Ainsi suggère-t-il plusieurs mesures, en vertu desquelles :

  • la CADES (Caisse d’amortissement de la dette sociale), reprendrait « de manière permanente », de « l’intégralité des déficits cumulés de la CNRACL ». À cette fin, l’existence de la CADES serait prolongée de dix années supplémentaires. (Rappelons que cet organisme, chargé de rembourser la dette sociale, a été créé en 1996, de manière provisoire, pour une durée initialement prévue de 13 ans – il devrait donc avoir cessé d’exister depuis 2009 !) La CADES est financée par les contribuables, via la CSG et le CRDS, mais la Cour des comptes a indiqué dans un rapport publié le 26 mai que sa capacité d’éponger les nouveaux déficits de la sécurité sociale est désormais dépassée… ;
  • des transferts de fiscalité seraient effectués au bénéfice de la CNRACL : ainsi les contribuables mettraientils encore la main à la poche pour payer les erreurs de gestion de l’Etat et des collectivités locales
  • la Caisse d’allocations familiale (CNAF)* et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) seraient siphonnés au profit de la CNRACL, de même que les autres régimes de retraite, notamment via la compensation démographique interrégimes**
  • les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers à temps non complet seraient affiliés à la CNRACL, y compris rétroactivement – ce qui reviendrait à augmenter le nombre des fonctionnaires accédant aux privilèges de ce régime spécial en outre, les cotisations relatives à ces quelque 75 000 agents ne seraient plus versées au régime général, comme c’est le cas aujourd’hui, mais à la CNRACL.
  • diverses dispositifs seraient aussi mis en place, concernant « l’usure professionnelle » et la « pénibilité » dans la fonction territoriale – ce qui accroîtrait le coût des avantages liés au régime spécial (pour faire passer cette pilule très grosse à avaler, Stéphane Delautrette excipe bien sûr du cas des pompiers et des policiers municipaux).

Autrement dit, pour ramener à l’équilibre ce régime structurellement déficitaire, ne le réformons pas, mais accroissons au contraire son coût et surtout, faisons casquer les autres !

* Sous prétexte que le régime général pompe déjà la CNAF, sans aucune justification.

**En intégrant dans le calcul de la compensation démographique inter-régimes les titulaires d’une pension de droit direct âgés de moins de 65 ans.


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