Marisol Touraine est bien la seule à être « rassurée »
Madame Touraine devrait peut-être changer de lunettes car elle est bien la seule à être « rassurée » par la lecture du dernier rapport du COR, qui corrige, dans le sens d’une dégradation, ses prévisions du mois d’avril dernier. Certes, selon le COR, le régime Cnav pourrait finir par atteindre l’équilibre… mais seulement en 2025 ou au début des années 2030, selon les scénarios conjoncturels établis par l’institution.
Or, quels sont ces scénarios ? Le plus béatement optimiste (scénario A) table sur une croissance des revenus d’activité (1) de 2 % par an et un taux de chômage de 4,5 % : autrement dit, le retour au plein emploi... Le scénario médian (scénario B) se base sur le même taux de chômage et augmentation des revenus d’activité de 1,5% par an. Quant au scénario présenté comme « pessimiste » (scénario C), Madame Touraine se garde bien d’en parler, car il reporte l’équilibre à la Saint-Glinglin… Et pourtant, il se base sur un taux de chômage de… 7 %, du jamais vu depuis 35 ans !
Le COR envisage néanmoins trois « variantes » avec un chômage à 10 % et une croissance annuelle des revenus d’activités de 2, 1,5 ou 1 % : dans aucun de ces trois cas de figure, l’équilibre financier du système de retraite ne pourrait être atteint à l’horizon de 25 ans (jusqu’en 2039 inclus), sans procéder dès 2016 à un report de l’âge de départ, à une hausse des cotisations et/ou à une baisse des pensions. (2)
Et ce n’est pas tout : Madame Touraine parle ici du régime de base Cnav, mais oublie les régimes complémentaires ! Et quand on lui pose la question des caisses Agirc-Arrco, qui sont dans une situation de quasi-faillite, elle " botte en touche " : « Il y a des déséquilibres, les discussions avancent, je fais confiance aux partenaires sociaux pour arriver à un accord ». Une manière de dire que ce n’est pas son problème, mais aussi un déni de réalité ubuesque quand on sait que les pensions versées par les caisses Arrco et Agirc représentent en moyenne, respectivement, 30 % et 50 % de la pension totale de leurs affiliés !
Il y a d’autres choses que Marisol Touraine oublie de dire : par exemple, qu’un tour de passe-passe permet de transférer une partie des déficits de la Cnav depuis plusieurs années à la CADES (Caisse d’amortissement de la dette sociale). Les régimes spéciaux, à commencer par celui des fonctionnaires d’Etat, sont financés, quant à eux, sur le budget national et contribuent à creuser la dette publique. Rappelons aussi que la situation de la Cnav serait encore pire si elle n’avait pas reçu, ces trois dernières années, d’importants transferts de la Caisse nationale d’allocations familiales…
Manifestement, les Français ont donc raison d’être inquiets et les contorsions du ministre ont peu de chances de les « rassurer ». La vérité, c’est que notre système de retraite global est aux abois et qu’en l’absence de réforme structurelle, se profilent bel et bien une hausse des cotisations et une baisse des pensions : une manière de sacrifier les retraites pour sauver le système de retraite !
(1) Ou revenus du travail. Ils sont supposé évoluer comme la productivité du travail.
(2) Encore le COR précise-t-il que le solde financier moyen sur lequel sont construits ces scénarios « ne prend pas en compte la dette déjà accumulée par certains régimes, ou transférée à la CADES par le passé, ni, à l’inverse, les réserves détenues par d’autres régimes ou par le fonds de réserve pour les retraites (FRR). »