Les contribuables paient les retraites des conseillers généraux de l'Yonne
Qu’elle est belle, la solidarité entre nos élus ! L’exemple des conseillers généraux de l’Yonne, rapporté par l’hebdomadaire Le Point, l’illustre d’une manière particulièrement convaincante.
En juillet 1975, ils ont créé une amicale destinée à s’assurer une retraite pour garantir leurs vieux jours, aucun système de retraite n’étant à l’époque prévu pour eux (ce manque fut pallié par la loi sur le statut de l’élu local, en 1992). Comme on peut le lire dans les statuts, « Le but de cette amicale [était] de développer l'entraide entre conseillers généraux de l'Yonne, notamment en assurant à ses membres, ainsi qu'à leurs conjoints survivants, des allocations périodiques de retraite, dans des conditions fixées par le règlement intérieur ». Rien, en somme, que de très louable… en principe.
Car le régime connaît aujourd’hui un fort déficit démographique : il ne compte plus que 5 cotisants. Encore ces cinq cotisants doivent-ils approcher à leur tour de l’âge de la retraite… Et l’enveloppe totale des cotisations qu’ils versent n’a pas dépassé 870 euros pour l’année 2013.
En regard, 34 bénéficiaires (24 anciens conseillers et dix épouses de conseillers décédés, au titre de la réversion) perçoivent des pensions comprises entre 2 351 € et 21 841 € par an, et dont le montant moyen s’élève à quelque 10 600 € par an. Ainsi, l’ancien conseiller socialiste Michel Bonhenry perçoit 21 841 € l’ex-conseiller Raymond Pourrain, 18 656 € l’UDF Gérard Morisset, 17 746 € le communiste Jean Cordillot, le socialiste Roger Lassale et l’ancien maire de Châtel-Gérard Bernard Magdelenat, 17 291 € chacun… Les anciens ministres Jean-Pierre Soisson (11 376 €), Henri de Raincourt (11 376 € également) et Henri Nallet (3 792 €) ne sont pas en reste.
Au total, 360 010 euros de pensions ont été versés en 2013 à ces anciens conseillers ou à leurs ayant-droits.
Question : par quel miracle est-il possible de financer 360 000 euros de pensions avec 870 euros de cotisations ? Si l’on répartissait ces 870 € entre les 34 bénéficiaires, on arriverait à une pension moyenne de moins de 26 € par an : une misère ! C’est 90 fois moins que la plus petite des pensions, et 840 fois moins que la plus grosse…
Le miracle s’appelle M. Contribuable de l’Yonne. En effet, les conseillers se faisant une conception assez large de l’« entraide », leurs pensions sont très largement financées par le Conseil général, autrement dit, finalement, par les impôts locaux. En 2013, le Conseil général a ainsi alloué à l’amicale une subvention de 295 000 €, à peine inférieure à celle servie en 2012 (300 000 €).
Le Point a calculé que, sur dix ans, « ce sont plus de 3,5 millions d’euros d’argent public que se sont "auto-votés" les bénéficiaires ».
Plusieurs de ces derniers cumulent en outre cette rente avec d’autres pensions d’anciens élus. C’est notamment le cas de :
- Jean-Pierre Soisson, ancien maire d’Auxerre, trois fois député et sept fois secrétaire d’Etat ou ministre (sous Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand) ;
- Henri Nallet, ancien maire de Tonnerre, ancien député, trois fois ministre, Conseiller d’Etat
- Henri de Raincourt, ancien sénateur, deux fois ministre
- Philippe Auberger, ancien maire de Joigny, député pendant plus de vingt ans (1986-2007)
- Roger Lassale, ancien maire de Pont-sur-Yonne, ancien député
- Serge Franchis, ancien maire adjoint d’Auxerre, qui fut député, puis sénateur
- Jean Cordillot, ancien maire communiste de Sens, ancien député
- Etienne Braun, ancien maire UDF de Sens.
Nos hommes politiques sont bien placés pour confirmer le dicton qui affirme que décidément, on n’est jamais mieux servi que par soi-même !
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- régimes spéciaux
- retraite des élus