Supprimer la "catégorie active" dans la fonction publique serait une vraie source d'économie
La « catégorie active », dont bénéficiaient 27 % des fonctionnaires des trois fonctions publiques (Etat, hospitalière et territoriale) qui ont liquidé leur retraite en 2012, a été instituée par la loi du 9 juin 1853, voilà plus de 160 ans, pour permettre de partir plus tôt aux agents dont les emplois sont supposés présenter « un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles » (loi du 31 mars 1932).
Le classement dans cette catégorie procure au moins deux types d’avantages :
- - la possibilité d'un départ à la retraite anticipé, à 55 /57 ans, voire 50/52 ans, notamment pour les policiers, les agents de l'administration pénitentiaire et les aiguilleurs du ciel ;
- - pour ces dernières professions, l'acquisition de bonifications d'annuités, autrement dit de trimestres octroyés "gratuitement". sans que leurs bénéficiaires aient eu besoin de cotiser pour cela. Elles leur permettent de partir à la retraite plus tôt sans décote et d'augmenter le niveau de leur pension.
Comme le constatait un rapport de la Cour des comptes publié en 2003 (1), de nombreux fonctionnaires bénéficient de ces privilèges sans exercer d’activité risquée ou particulièrement fatigante, par exemple lorsqu’ils occupent des fonctions logistiques ou de gestion au sein d’une branche classée « active », comme la police.
Par ailleurs, les conditions de travail des agents classés en catégorie active ne sont jamais réévaluées, en dépit des progrès des technologies. Il n’est donc pas rare de trouver, parmi ceux qui partent aujourd’hui avant 57 ou 52 ans, des fonctionnaires qui ont passé toute leur carrière dans un bureau ou derrière un écran d’ordinateur. « Le classement [en catégorie active] tend donc dans les faits à s’assimiler à une forme de “droit acquis” », constatait la Cour des comptes.
Combien coûtent ces avantages ?
Selon le récent rapport du sénateur Delattre (2), la suppression des départs anticipés dans les trois fonctions publiques permettrait à l’Etat et à la CNRACL (3) de réaliser un gain financier brut de 2,3 milliards d’euros dans les années 2020.
S'y ajouteraient les économies réalisées sur les bonifications, soit 1,6 milliards d'euros sur le stock des pensions (64 millions d'euros sur les départs à la retraite pour la seule année 2011) et 7 millions d'euros par an pour les bonifications du dixième. Il existe donc une voie d'économie : ce que nos technocrates appellent une "niche". Le sénateur Delattre affecte pourtant de considérer que la suppression de cette niche... coûterait à l'Etat !
Comme si cela ne suffisait pas, il conseille d’appliquer à la fonction publique le dispositif de départ anticipé à la retraite mis en place pour les salariés du privé par la réforme 2014. Ainsi, au lieu de dégraisser les régimes spéciaux, il faudrait les enrichir encore ! Le coût de ce dispositif, dont l’application au secteur privé est jugé très onéreux par les entreprises appelées à le financer, serait évidemment répercuté sur les contribuables.
Dernière précision - qui n’est pas superflue à l’heure où l’on glose sur les conflits d’intérêt auxquels succomberaient les parlementaires médecins, les parlementaires notaires, etc. : le sénateur Delattre est issu de la fonction publique et plus précisément du ministère de l’Intérieur, dont les agents sont très majoritairement classés en catégorie « active » et partent à 50/52 ans…
Qui a parlé de conflit d’intérêt ?
(1) Rapport de la Cour des comptes sur « les Pensions des fonctionnaires civils de l’Etat », avril 2003.
(2) Rapport sur « La retraite des agents de catégorie active dans la fonction publique », par le sénateur UMP Francis Delattre, 9 juillet 2014.
(3) Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales