Pas de réforme des retraites, mais un nouveau « Théodule »
Il existe déjà, pour réfléchir à l’avenir du système de retraites et conseiller le gouvernement :
· un Conseil d’Orientation des retraites (COR), créé en mai 2000, qui est chargé de décrire la situation financière et les perspectives des régimes de retraite par répartition, et de veiller à sa cohésion « en assurant la solidarité entre les régimes et le respect de l’équité » (sic !)
· une Commission de garantie des retraites, devant veiller à la mise en œuvre de la réforme Fillon d’août 2003 portant sur le régime de retraites de la fonction publique
· un Comité de pilotage des régimes de retraites (Copilor), créé dans le cadre de la réforme Woerth du 9 novembre 2010 et installé en mai 2011 afin de veiller au « respect de la trajectoire de retour à l’équilibre du système de retraite », à l’observance des principes d’équité générationnelle , ainsi qu’à la progression du taux d’emploi des plus de 55 ans et à la réduction des écarts de pension entre les hommes et les femmes
· un Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFi-PS), créé en septembre 2012, qui a pour mission de dresser un état des lieux du système de financement de la protection sociale, d’en évaluer les évolutions possibles et d’examiner l’efficacité des règles de gouvernance pour assurer l’ équilibre pérenne du système, en formulant « le cas échéant » des recommandations et des propositions de réforme
· sans compter la Commission pour l’avenir des retraites, dite commission Moreau, qui a concocté le rapport inconsistant qui a lui-même servi de base au gouvernement pour préparer sa vraie-fausse réforme.
Et comme si ça ne suffisait pourtant pas, le nouveau projet de loi prévoit en effet de créer un Comité de suivi des retraites dont les membres seront nommés par décret et le président en conseil des ministres : autant dire que son autonomie par rapport au pouvoir politique sera limitée. Ce nouveau « comité théodule » devrait publier chaque année un avis sur la conformité du système de retraite avec les objectifs fixés par le Code de la Sécurité sociale, en analysant notamment la situation comparée des femmes et des hommes, ainsi que l’évolution du pouvoir d’achat des retraités.
En somme, le bidule est chargé d’assumer les mêmes missions que les bidules précédents. Cela ne risque-t-il pas de se créer quelques embouteillages ?
Il y a pourtant plus inquiétant : le Comité de suivi des retraites devra émettre des recommandations, portant non seulement sur l’évolution de la durée d’assurance ou sur le niveau de cotisation, mais aussi sur les transferts du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) vers les régimes de retraite. Autant dire que ce qu’il reste du dit fonds, créé en 1999 pour passer le cap difficile des années 2020, mais dont la réforme Woerth de novembre 2010 avait déjà organisé le pillage, risque d’être vite siphonné.
Pour éviter ce soupçon, le législateur affiche une confiance à toute épreuve : il prévoit qu’ « en cas d’évolutions économiques ou démographiques plus favorables que celles retenues pour fonder les prévisions d’équilibre du régime de retraite par répartition »(qui sont déjà outrageusement optimistes…), le Comité pourra suggérer « des mesures permettant de renforcer notamment la solidarité du régime… ».
Sauf que, pour autant que l’on sache, les « évolutions démographiques » sont inscrites sur le long terme. Quant aux évolutions économiques positives, on ne les voit pas se profiler sur un proche avenir, dans une France où plus d’un actif sur dix est au chômage, la croissance en panne et la pression fiscale à un niveau record.
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