Contre-vérités entendues à l'Assemblée Nationale lors du débat sur les retraites
À tout seigneur, tout honneur. Un florilège des inepties et contre-vérités proférées lors des débats sur la réforme des retraites à l’Assemblée nationale, se doit de commencer par celles débitées par le ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine elle-même. En voici quelques-unes, émises au cours de la séance du 7 octobre 2013 :
· « Aujourd’hui, nous n’avons plus besoin de choisir entre travailler jusqu’à la fin de nos jours et dépendre de nos enfants ».
C’est pourtant bien d’eux que dépendent les retraites, dans un système par répartition !
· La retraite « est évidemment un puissant facteur d’égalité ».
Venant d’un ministre qui a défendu mordicus le maintien des régimes spéciaux, il fallait oser !
· « En limitant la question des retraites à de simples ajustements comptables, la droite a laissé s’ancrer et s’enraciner les injustices. » Marisol Touraine insiste quelques instants plus tard : « Notre projet de loi permettra de garantir la pérennité financière de notre système de retraites. Nous avons retenu trois principes d’action. Tout d’abord, nous inscrire sur le long terme pour rompre avec les tentatives de colmatage et de rafistolage passées. »
Faux ! La réforme en cours se résume plus que les précédentes encore à des ajustements comptables et à des « rafistolages » ! Il ne s’agit en aucune manière d’une réforme de fond du système, à défaut de laquelle les replâtrages en cours ne règleront rien durablement. A court terme, une nouvelle réforme sera inévitable.
· « C’est donc à la jeunesse de notre pays que notre projet de loi s’adresse en priorité, parce que c’est à elle qu’il faut redonner confiance dans l’avenir de notre système de retraites par répartition. »
Avec l’augmentation de la durée de cotisation, c’est la jeunesse qui fera principalement les frais de la réforme.
· « Nous avons consulté, concerté et dialogué. C’est ainsi que nous gouvernons ! »
En réalité, la « réflexion nationale sur les objectifs et les caractéristiques d'une réforme systémique » des retraites, qui devait être entreprise en 2013 en vertu de l’article 16 de la loi Woerth de novembre 2010, a été confisquée par les hauts fonctionnaires comme l’a montré une étude de Sauvegarde Retraites : la totalité des experts et rapporteurs qui ont constitué la commission Moreau (chargée de réaliser le rapport à partir duquel a été élaborée la réforme en cours) étaient affiliés au régime spécial de la fonction publique. Et sur les 149 personnes entendues par la Commission, 82% relevaient d'un régime spécial.
· Enfin, une erreur historique. Marisol Touraine ministre affirme que « tout cela (…) nous le devons à notre système de retraites par répartition, voulu à la Libération par le Conseil national de la Résistance ». De même, Michel Issindou, rapporteur de la commission des Affaires sociales, déclare au cours de la même séance à l’Assemblée nationale : « Le système de retraites par répartition fait partie des idées géniales préfigurées par le conseil national de la Résistance en 1943, et mis en place dès 1945 avec la création de la Sécurité sociale. »
En réalité, le système de retraites par répartition a été mis en œuvre en France en 1941, par le gouvernement de Vichy.
Nous devons également à Michel Issindou (PS) ces quelques perles:
· « La fiscalisation de la majoration de 10 % pour trois enfants est une mesure de justice »… qui aboutit à nier les efforts consentis par les familles nombreuses, dont les enfants seront pourtant appelés à financer les pensions par leurs cotisations, dans le cadre du système par répartition.
· « Nous ne voulons pas d’une réforme qui (…) augmenterait à 65 ans l’âge légal de départ à la retraite.»
La réforme en cours impose 43 annuités, augmentant dans les faits l’âge de départ à la retraite, qui atteindra 65 ans et pour beaucoup ira même au-delà …
De Pascal Terrasse (PS), rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire :
· « Le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de retraites atteint quelque sept milliards d’euros – convenez que ce n’est pas rien ! – dont 5,9 milliards au titre du seul régime général. »
D’où le rapporteur pour avis tire-t-il ces chiffres ? Selon le Conseil d’Orientation des Retraites (COR), le déficit s’élève à plus de 14 milliards d’euros aujourd’hui et dépassera 20 milliards d’euros en 2020. Encore s’agit-il d’estimations basses !
· « A force de trop demander aux jeunes, on court le risque de les désintéresser de notre système de retraites et de la solidarité intergénérationnelle et de les inciter à se tourner vers les fonds de pension. »
L’escroc Bernard Madoff n’en pensait pas moins… Mais il ne le disait pas publiquement !...
· « La revalorisation des pensions de retraite est décalée au mois d’octobre, car c’est à ce moment de l’année que l’inflation est connue. (…) Désormais, l’augmentation sera décidée dès lors que l’inflation sera connue, c’est-à-dire en octobre. C’est une mesure cohérente, prise dans l’intérêt des retraités. »
… Qui percevront une pension moindre pendant six mois. Espérons qu’ils sauront remercier le gouvernement de cette délicate attention !
· « D’une manière générale, l’efficacité d’un système par capitalisation est liée à la santé économique d’un pays : si les résultats des entreprises se dégradent, les pensions des retraités diminuent. Mais notre choix et celui du Gouvernement n’est pas celui-là c’est de renforcer, dans la durée, le système par répartition, qui a prouvé son efficacité, notamment au cours de la crise des années 2008, 2009 et 2010. »
A tel point que le déficit ne cesse de se creuser et que la CADES (Caisse d’amortissement de la dette sociale) emprunte sur les marchés financiers pour boucher les trous… ce qui revient à recourir à des fonds de capitalisation au prix fort et dans les plus mauvaises conditions !
De Gérard Sebaoun (PS) :
« Laissez les Belges tranquilles ! »
En effet, c’est malheureusement une histoire bien française…
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- inégalité public privé
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