La "réformette" des retraites entretient l'illusion budgétaire
publié le 17-08-2011
Standard & Poor’s considère la France comme un débiteur fiable… en particulier grâce à la gestion des retraites. Un comble !
Standard & Poor’s est l’une des trois agences de notation qui font actuellement la pluie et le vilain temps sur les marchés. Elle a récemment dégradé spectaculairement la note des Etats-Unis, affolant les bourses sur l’ensemble de la planète. Pour la France, en revanche, aucun problème : selon Standard & Poor’s, notre pays a de solides raisons de conserver sa note AAA (la meilleure, comme pour les andouillettes) grâce, notamment, à la réforme des retraites intervenue à l’automne 2010…
Or cette réforme, en dépit du report de l’âge de la retraite à 62 ans – mesure certes courageuse –, est notoirement insuffisante pour financer notre système de retraite. Le gouvernement, qui n’ignore pas qu’il faudra remettre l’ouvrage sur le métier avant 2018, n’a pas osé toucher au régime de la fonction publique. Les retraites des fonctionnaires gonfleront pourtant considérablement la dette, comme le signalait déjà en 2005 le rapport Pébereau.
Par ailleurs, Bercy a truqué les chiffres d’au moins deux manières :
· D’une part, en retenant, pour établir ses projections financières, un scénario du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) reposant sur des hypothèses peu réalistes – notamment un taux de chômage équivalent au plein emploi. Selon ce scénario, il faudra, pour équilibrer les caisses de retraite, 45 milliards d’euros en 2020 (et 102,6 milliards en 2050, pour autant qu’une projection à aussi long terme soit crédible…). En réalité, ces besoins sont volontairement sous-évalués.
· Par ailleurs, même en acceptant ce chiffre de 45 milliard, la réforme votée en 2010 ne permet pas de parvenir à l’équilibre. Pour donner l’illusion que ce sera le cas, le gouvernement a usé d’un tour de passe-passe, en déguisant, par un simple jeu sémantique, 15,6 milliards de déficit des retraites de la fonction publique derrière une subvention… qui augmentera la dette publique. En réalité, on creuse un trou pour paraître en combler un autre.
Pour espérer pouvoir équilibrer les caisses des retraites, il aurait fallu réaliser une réforme systémique on en est resté très loin. Le président de la Commission des finances du Sénat, Jean Arthuis, avait bien résumé la situation en déclarant en octobre dernier : « Le texte du gouvernement devrait permettre au mieux de s’approcher de l’équilibre en 2018. Car en dépit de cette réforme, on va devoir trouver probablement 60 milliards. Autrement dit, le compte n’y est pas. »
Ces faux-semblants ont apparemment réussi à tromper Standard & Poor’s. Tant mieux pour la France, qui conserve pour l’instant sa note AAA… Mais on peut craindre que ce satisfecit décerné à la mauvaise gestion et à l’insincérité n’encourage l’Etat à poursuivre dans cette voie dangereuse, jusqu’à ce que la réalité ne dissipe douloureusement les illusions.