Pilotes de ligne : une grève de privilégiés
publié le 21-07-2011
Quand les retraites complémentaires des personnels de l’aviation civile ont du plomb dans l’aile, les vacanciers restent au sol.
Le ciel s'est lourdement couvert pour les vacanciers qui ont prévu de voyager en avion cet été. Les pilotes d’Air France avaient menacé de se mettre en grève du 5 au 8 août pour exiger la mise en oeuvre de la réforme du régime de retraite complémentaire des personnels navigant de l’aviation civile, votée par le Conseil d’administration de la Caisse Nationale de Retraite des Personnels Navigant (CRPN) en 2008 et dont l’Etat n’a jamais publié les décrets d’application.
En janvier 2007, une mission d’expertise commandée par le ministère des Transports estimait « indispensable » une réforme de la CRPN, dont le ratio entre le nombre des actifs et celui des retraités est tombé de 2,37 en 2001 à 1,83 en 2009 (avec 30 957 cotisants pour 16 943 pensionnés), cette diminution creusant le déficit de la Caisse : en 2009, les cotisations au fonds de retraite (employeurs et salariés) s’élevaient à 337 millions d’euros et les prestations versées aux retraités à 450 millions d’euros.
A terme – à l’horizon 2040 –, la Caisse risque le crash.
Pour tenter d’y remédier, la réforme votée en 2008 a prévu, non seulement d’allonger progressivement l’âge de départ à la retraite (de 50 ans à 55 ans d’ici 2018) ainsi que le nombre d’annuités (de 25 à 30 en 2018) nécessaires à l’obtention du taux plein, mais aussi de modifier le calcul de la pension.
C’est là que le bât blesse : car cette modification des modalités du calcul de la pension bénéficierait aux pilotes, dont les salaires et les pensions sont déjà sensiblement plus élevés que ceux du personnel navigant de cabine (hôtesses et stewards). D’où le conflit qui les oppose, les syndicats des personnels de cabine reprochant aux pilotes de profiter de cette réforme – qui, théoriquement, vise à réduire le déficit de la Caisse – pour augmenter considérablement le niveau de leurs pensions.
Pris en sandwich entre les uns et les autres, l’Etat a joué la montre autant qu’il l’a pu, en évitant de publier les décrets d’application de la réforme. Mais les pilotes exigent que celle-ci soit mise en place au plus tard le 29 juillet et ont déposé un préavis de grève reconductible du 5 au 8 août si le gouvernement n’obtempère pas.
De leur côté, les syndicats des personnels de cabine (qui ont prévu de se mettre en grève en juillet pour d’autres raisons) menacent de se mettre en grève si la réforme est appliquée.
Grève des pilotes dans un cas, grève des hôtesses et stewards dans l’autre, les vacanciers ont évité de justesse de rester cloués au sol. Pour mémoire, le régime de retraite complémentaire dont profitent les personnels navigant de l’aviation civile, pilotes, hôtesses et stewards, restera beaucoup plus intéressant, même après la réforme, que celui du commun des salariés du privé, affiliés à l’Agirc-Arrco.