Fonctionnaires mâles : à quand l'accouchement ?

La justice européenne a accordé à un fonctionnaire des droits réservés aux mères. Et plus de 37 000 euros aux frais des contribuables…

Ce qui est légal n’est pas toujours légitime, tant s’en faut, comme le montre une récente décision de la Cour européenne des droits de l’homme. Le 11 février 2010, les juges européens ont condamné la France à payer 37 400 euros à un fonctionnaire père de trois enfants, auquel l’Etat français avait refusé le droit de prendre sa retraite anticipée à 53 ans.

Cette décision conclut un bras de fer engagé depuis une dizaine d’années entre l’Etat et certains profiteurs de la fonction publique, qui s’appuient sur le droit européen pour tenter d’accroître des avantages déjà exorbitants.

Les fonctionnaires mères de famille ayant élevé trois enfants bénéficiaient naguère de bonifications et de la possibilité de prendre leur retraite après 15 ans de service. En 2001, au nom du principe d’égalité entre les sexes, la Cour de Justice des Communautés Européennes ouvrit ce dispositif aux fonctionnaires pères de famille.

Pour éviter d’étendre ces avantages à l’ensemble des fonctionnaires, l’Etat, par une loi votée fin 2004 et un décret, pris en mai 2005, conditionna rétroactivement le droit à la retraite anticipée à une interruption de l’activité au moins égale à deux mois après l’accouchement. Par ce biais, il réservait de facto cet avantage aux femmes.

Patrick Javaugue, agent de la fonction publique hospitalière, a pris prétexte de la rétroactivité de la mesure pour attaquer l’Etat français devant la justice européenne, qui lui a donc donné gain de cause.

Au regard de la loi européenne, sans doute n’y a-t-il pas grand-chose à dire. Mais si l’on s’en tient au bon sens et à la morale commune, cette histoire est significative de l’état d’esprit de certains fonctionnaires, caractérisé par leur absence de scrupules (à moins d’envisager que les hommes soient enceints, accouchent et allaitent, l’alibi de l’égalité entre les sexes ne tient pas) et de leur manque de civisme : on est loin ici de l’image du fonctionnaire « serviteur de l’Etat », les égoïsmes particuliers l’emportent sur l’intérêt général.
La Cour européenne a condamné l'Etat à payer à Patrick Javaugue 35 400 euros au titre du dommage matériel, et 2 000 à celui du... préjudice moral. Du tort que cette décision fait subir à des millions de contribuables français, il n'est en revanche pas fait mention.


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