Une priorité : la suppression des régimes spéciaux de la fonction publique !
L’opposition est-elle au sein du gouvernement ? Au spectacle que donne actuellement le pouvoir exécutif, on pourrait se le demander.
- Le Premier ministre parle-t-il d’un référendum ? Aussitôt Emmanuel Macron le « recadre » en lui rappelant que le recours au référendum est du ressort du Président de la République.
- La Cour des comptes rend-elle un « audit flash » dont le résultat très discutable contredit le Premier ministre, qui avait annoncé un déficit de 55 milliards d’euros ? Le ministre de l’Économie et des Finances, Éric Lombard, se hâte de tailler des croupières au chef du gouvernement, en déclarant sur RTL qu’« il n'y a pas de déficit caché, mais en fait, tous les régimes sont en déficit. » Ce qui est doublement faux, car non seulement il existe bien un déficit caché dans les régimes de la fonction publique, mais les régimes complémentaires des salariés du privé, des indépendants et des professions libérales (comme d’ailleurs le régime de base de ces dernières) sont à ce jour financièrement équilibrés – ce qu’Éric Lombard ignore d’autant moins qu’il lorgne clairement les réserves de l’Agirc-Arrco.
- François Bayrou estime-t-il impossible de revenir à un âge légal de départ à 62 ans ? Le ministre Lombard (toujours lui) affirme le contraire, faisant chorus avec les syndicats qui menacent de claquer la porte du « conclave » sur les retraites voulu par François Bayrou, si le retour à 62 ans n’est pas envisagé. Et dans le tollé général provoqué par la déclaration du Premier ministre, décide de quitter la négociation pour la raison inverse… Ainsi, le « conclave » est-il déjà en voie de capoter, moins d’un mois avant d’avoir débuté,
On navigue entre jeu de rôles et jeu de dupes.
Jeu de rôles, quand le Président, le Premier ministre et le ministre de l’Economie affectent une mésentente, comme si l’on se trouvait en situation de cohabitation – alors que François Bayrou a été depuis 2017 l’un des principaux soutiens d’Emmanuel Macron. La stratégie du pouvoir actuel consiste à organiser une opposition en son propre sein pour accaparer l’attention des médias au détriment de ses opposants politiques. L’organisation du « conclave » syndicalo-patronal participe de la même méthode : en donnant la parole aux « partenaires sociaux », qui se disputent à grand bruit, le gouvernement met les partis politiques sur la touche.
Jeu de dupes, pour l’ensemble des Français. François Bayrou sait que ces numéros de cirque ne déboucheront sur rien de concret. C’est autant de temps gagné pour lui, mais perdu pour les affiliés aux régimes de retraite, cotisants et retraités, ainsi que pour les générations à venir, qui paieront tous au prix fort ces tergiversations. Et comme toujours, ce sont les cotisants et les retraités du privé qui feront pour l’essentiel les frais de cette guignolade, s’ils ne se défendent pas.
Sur France Inter, le 16 mars, le Premier ministre a pourtant dit une vérité : « Je ne crois pas que la question paramétrique, c’est-à-dire la question de dire : " voilà l’âge pour tout le monde ", soit la seule piste ». Cette remarque semble ouvrir la porte à une réforme de fond, structurelle, des systèmes français de retraite. En effet, une simple réforme paramétrique (une de plus !) ne suffira pas à résoudre le vrai déficit des retraites, très supérieur aux estimations « flash » de la Cour des comptes. Au mois de janvier dernier, François Bayrou s’était déclaré favorable à ce que les Français puissent librement décider du moment de leur départ à la retraite – ce que pourrait permettre le passage des annuités à une gestion par points des régimes de retraite, le montant de la pension dépendant du nombre de points acquis.
Il faut aller beaucoup plus loin et supprimer avant toute autre mesure les régimes spéciaux de la fonction publique, qui sont le premier facteur du gigantesque déficit des retraites. En l’absence de cette réforme indispensable et prioritaire, tout effort supplémentaire demandé aux affiliés aux régimes du privé, cotisants et retraités, serait une forfaiture.