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Les syndicats font pression sur la Cour des comptes pour qu’elle ignore le déficit des retraites du public

La Cour des comptes s’apprête à rendre les résultats de son « audit flash » des retraites. Les syndicats font pressions pour que l'énorme déficit des régimes spéciaux du public soit escamoté.

La Cour des comptes doit rendre demain l’audit « flash » sur les retraites qu’elle a réalisé en un temps record, à la demande du Premier ministre François Bayrou. Voilà longtemps que Sauvegarde Retraites demande un audit indépendant des systèmes de retraite. Y sommes-nous enfin ?
Créée par Napoléon Ier, la Cour des comptes est une institution vénérable, mais elle émane de l’Etat. Sa présidence est toujours confiée à un politicien – actuellement Pierre Moscovici, cacique du parti socialiste, ancien ministre de l’Economie et des Finances sous la présidence de François Hollande et ex-commissaire européen. Les membres de la Cour, nommés par le Président de la République, ont qualité de magistrats et sont régis par le statut de la fonction publique de l’Etat. L’indépendance de la Cour est donc sujette à caution.


Les conditions dans lesquelles elle a réalisé cet audit sont, elles aussi, discutables. Le maquis français des retraites est tel qu’une enquête sérieuse sur la gestion et l’état financier des nombreux régimes de retraite qui le composent, dont la nature même diffère du tout au tout (répondant à une logique assurantielle dans le privé et assimilable à une prolongation du traitement d’activité dans le public), ne saurait être accomplie sérieusement en l’espace d’un mois. Dans de pareilles conditions, un audit « flash » n’est pas crédible.
Enfin, la Cour des comptes ne peut pas ignorer que son travail prépare le terrain au « conclave » des organisations patronales et syndicales auxquelles François Bayrou a confié le soin de revoir la réforme des retraites ratée d’Elisabeth Borne. Or, les syndicats, qui défendent bec et ongles les « avantages acquis » des agents publics en matière de retraite (financés par l’ensemble des contribuables) ont posé pour condition première que le chiffre de 55 milliards de déficit pour l’ensemble des régimes de retraite – estimation de François Bayrou lorsqu’il était Haut-commissaire au Plan – ne soit pas retenu. Rappelons que cette somme considérable reste de beaucoup inférieure au résultat des calculs de l’ex-inspecteur général des Finances Jean-Pascal Beaufret, qui évalue le déficit à 81 milliards d’euros.


Pour arriver à ces conclusions, Bayrou et Beaufret prennent en compte les déficits réels des régimes spéciaux du public, masqués par les subventions d’équilibre que l’Etat leur sert. Mais les syndicats ne veulent surtout pas que la lumière soit faite sur le coût de ces régimes spéciaux. Pour donner le change, ils utilisent donc un autre biais : selon eux, en pointant un déficit de 55 milliards d’euros, l’Etat chercherait un argument pour piller les réserves du régime de retraite complémentaire des salariés du privé, AGIRC-ARRCO et financer avec l’argent ôté au privé les pensions du public. (C’est en effet ce à quoi il s’emploie depuis plusieurs années.)
Ainsi Frédéric Souillot, de Force Ouvrière, se donne-t-il les gants d’un défenseur des salariés du privé en déclarant qu’un déficit de 55 milliards permettrait à l’Etat de « lorgner une fois de plus sur les réserves de l'Agirc-Arrco ». Même écho du côté du président de la CFE-CGC, François Hommeril, qui prévient : « Si François Bayrou continue à enfumer tout le monde avec cette histoire d’un déficit caché, imputer à l’équilibre du système du régime du privé ce que l’État doit payer pour les pensions de retraite des fonctionnaires, il n’y aura pas de conclave, il n’y aura rien du tout », prévient-il.
À entendre ces syndicalistes, l’on pourrait croire que la seule manière de résorber l’énorme déficit des régimes spéciaux du public ne consisterait pas à les réformer, mais à siphonner les réserves du privé – ce qui ne résoudrait d’ailleurs rien, puisqu’une fois les caisses de l’AGIRC-ARRCO vidées, le déficit des régimes spéciaux du public continuerait à se creuser, les mêmes causes produisant les mêmes effets !
Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, est plus franche et exprime la vraie raison de l’inquiétude des syndicats : « Le Premier ministre a évoqué un déficit plus important que 40 milliards, en intégrant le régime des agents de la fonction publique. C’est une analyse que nous ne partageons pas », a-t-elle déclaré dans la Voix du Nord. « Ce serait un changement de nature profond de la discussion. Je veux parler de la réforme de 2023. Or, celle-ci n’a jamais eu pour objectif de traiter cette question du déficit de la fonction publique. À ce stade, je ne discuterai pas si on nous dit que le déficit est de 55 milliards et non de 15 milliards. »
La position de la CFDT est donc nette : pas touche aux régimes spéciaux des fonctionnaires, ce graal syndical. Connaître leur coût conduirait inévitablement à les réformer (ce que n’a surtout pas voulu faire Elisabeth Borne). Les syndicats indiquent donc à la Cour des comptes les limites à ne pas dépasser : 10 à 15 milliards au maximum. Et tant pis si ce chiffre ne correspond à aucune réalité, l’essentiel est de sauver les avantages retraite du secteur public, fût-ce au détriment des contribuables contraints de mettre la main à la poche et des affiliés du privé, dont les régimes, qui sont déjà devenu les « équilibreurs en dernier ressort » de ceux du public, continueront à faire les frais de la gabegie de l’Etat !


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