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Abrogation de la réforme Borne : faux problèmes et vraies questions

La polémique qui se poursuit autour d’une éventuelle abrogation de la réforme Borne et de son coût pour les régimes de retraite, permet au gouvernement, aux politiques et aux acteurs sociaux d’éviter les vraies questions sur les causes du déficit.

L’abrogation de La réforme Borne a porté l’âge légal de départ à 64 ans et accéléré le calendrier prévu par la loi Touraine de 2014 pour l’augmentation de la durée de cotisation à 43 ans (objectif qu’elle prévoit d’atteindre en 2027 au lieu de 2035 dans le texte initial, soit dès la génération née en 1965 au lieu de la génération née en 1973). Son abrogation aura fatalement un impact financier. En s’appuyant sur des chiffres fournis par la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), le quotidien économique Les Echos le chiffre à 3,4 milliards d’euros en 2025 et 16 milliards en 2032, ce qui ferait « plonger le déficit du système encore plus sérieusement dans le rouge, à -15 milliards d’euros environ dès 2025 et à -32 milliards d’euros en 2032 ».

Cette information appelle plusieurs remarques :

  • en premier lieu, ces prévisions sont d’ores et déjà très endeçà du déficit réel, qui avoisine dès aujourd’hui 70 milliards d’euros. Le quotidien se contente de reprendre les données du ministère de l’Economie, qui sont notoirement très largement sous-estimées.
  • en outre, la CNAV, qui les corrobore, est elle-même (mal) gérée par l’Etat. Selon la commission des comptes de la Sécurité sociale, elle accuserait un déficit estimé à 5,5 milliards d’euros en 2024 dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, cela en dépit de 18 milliards d’euros de subventions que lui sert l’Etat, notamment par le biais de transferts des branches famille (à hauteur de 10 milliards) et chômage (4 milliards) de la sécurité sociale. Comment expliquer ce déficit du régime de base des salariés du privé, alors que le régime de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO est à budgétairement équilibré et dispose même de réserves ? Il faut être aveuglé par l’idéologie pour ne pas voir que la gestion par points en usage à l’AGIRC-ARRCO est plus efficace pour maintenir l’équilibre financier.
  • Une autre remarque a trait aux régimes spéciaux du secteur public, qui sont la principale cause du déficit. Il est d’ailleurs inexact de parler à leur sujet de « retraites » à proprement parler, puisqu’ils ne fonctionnent pas selon la logique assurantielle propre aux véritables régimes de retraite : il s’agit en réalité d’un système de traitement à vie financé par l’impôt, autrement dit par l’ensemble des contribuables. Ainsi, lorsque le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 prévoit une prétendue hausse des cotisations employeur au bénéfice du régime des collectivités locales et des hôpitaux publics (CNRACL), il s’agit en réalité d’une nouvelle augmentation de la contribution publique à ce régime spécial, payée in fine par le contribuable.

Cette spécificité du secteur public n’a pas été abordée au cours du récent débat qui a réuni à l’Assemblée nationale les politiques et représentants syndicaux et patronaux. Elle n’est pas davantage prise en compte par le gouvernement. Pourtant, aucun redressement financier des retraites ne sera possible tant qu’il n’y sera pas remédié. C’est la première condition d’une vraie réforme de fond. En regard, les mesures paramétriques concernant l’âge de départ et la durée de cotisation, qui suscitent les polémiques, sont secondaires.


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