État financier des retraites : le grand maquillage

Selon un rapport du Sénat publié en annexe de la loi de Finances 2024, la nouvelle présentation des comptes publics empêche le Parlement d’être informé de la réalité du financement par l’Etat des régimes spéciaux.

Un rapport général du Sénat publié en annexe de la loi de Finances (PLF) pour 2024 (annexe 25, sociaux et de retraite compte d’affectation spéciale : pensions) a montré que la nouvelle présentation des comptes publics des retraites prévue par le gouvernement dans la loi de finances pour 2024 sous prétexte de " simplification ", « nuit à la lisibilité du financement par l’État des régimes spéciaux de retraite » et prive le Parlement d’une information fiable concernant l’état financier réel des retraites.

En effet, en 2023, le gouvernement d’Elisabeth Borne s’est employé à extraire du budget de l’ État – et par conséquent, à soustraire au contrôle du Parlement – le financement des régimes spéciaux prétendument « fermés », en faisant du régime général (CNAV) « l’équilibreur en dernier ressort » de ces régimes du secteur public, dont il prendra intégralement en charge les déficits tout en siphonnant au passage des caisses de l’AGIRC-ARRCO (Sauvegarde Retraites a appelé ses membres à se mobiliser contre cette spoliation inqualifiable des régimes du privé).

Jusqu’alors, les subventions d’équilibre que l’État verse à ces régimes spéciaux (comme ceux de la RATP et de la SNCF) figuraient dans le projet de loi de finances, dans la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Par cet artifice comptable, cette charge financière est sortie du budget : elle n’y apparait plus.

En revanche, la substitution du régime général à l’État et le surcroît de dépense qu’elle engendrera pour la CNAV sont « compensés » par l’affectation au régime général d’une fraction de TVA de 0,2 milliard d’euros. Comme le souligne le rapport du Sénat, ce nouveau schéma de financement « a pour but de fusionner toutes les subventions dont bénéficieraient les régimes spéciaux fermés au profit d’une unique subvention d’équilibre versée par la CNAV ». Cette subvention unique regroupe, et rend de facto indiscernables, les trois composantes qui apparaissaient précédemment, à savoir :

- la compensation au titre de la prétendue fermeture

- la compensation généralisée vieillesse (prévue pour compenser les déséquilibres démographiques des régimes spéciaux)

- et la subvention budgétaire d’équilibre que l’État verse à ces derniers pour soutenir, à la fois, le déséquilibre démographique (en plus de la compensation généralisée…) et « l’existence de règles dérogatoires du régime général au bénéfice de certains assurés ». Autrement dit, pour payer la facture des avantages retraite exorbitants que ces régimes octroient à leurs affiliés.

Ainsi, écrivent les sénateurs, « l’ensemble des subventions d’équilibre aux régimes spéciaux de retraite fermés, qui faisaient jusqu’ici l’objet d’un examen annuel dans le cadre du vote des crédits de la mission "Régimes sociaux et de retraite" seront confondues dans une fraction de TVA affectée au régime général. »

Pour résumer, ce tour de passe-passe permet de gommer l’importance des subventions d’équilibre versées par l’État aux différents régimes spéciaux, aux frais des contribuables ! Ainsi extraite du budget, cette charge échappe à la fois au contrôle des parlementaires et à la connaissance des citoyens : ni vu, ni connu !


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