Accord SNCF : Pinocchio Le Maire ne le savait pas !?
« J’ai en partie la tutelle de la SNCF, un accord est signé qui engage les équilibres de la réforme des retraites. Je n’ai pas été averti », a-t-il déclaré en ajoutant que Jean-Pierre Farandou devrait « rendre des comptes sur cet accord qui donne un sentiment de deux poids, deux mesures qui est très provocant pour beaucoup de nos compatriotes qui travaillent dur et qui ont accepté la réforme des retraites ».
De l’aveu même du ministre, l’accord aboutit à remettre en cause les « équilibres » de la réforme des retraites, en exemptant de facto les cheminots du report de deux ans de l’âge de départ, qui en est le principal élément. Il est en effet prévu que les agents de la SNCF bénéficient de nouveaux privilèges (qui s’ajoutent à ceux, nombreux, dont ils jouissent déjà) : le dispositif de « cessation anticipée d’activité » sera allongé pour leur permettre de partir plus tôt à la retraite et les rémunérations de fin de carrière seront relevées pour augmenter leurs pensions.
Rappelons qu’avant l’accord, il était prévu que l’âge légal de départ à la retraite s’établirait pour les cheminots à 54 ou 59 ans, contre 64 pour le commun des salariés du privé.
Le Maire est très colère contre le vilain Farandou : « Je tiens à ce qu’il m’explique comment il finance cet accord qu’il a conclu sans que nous soyons avertis, assène Bruno Le Maire. J’attends une explication convaincante et je veux régler un dysfonctionnement », dit-il.
Les besoins de financement de cette mesure généreuse ne semblent pas avoir été calculés, en effet – à la SNCF, on dépense d’abord, on calcule après. Mais nous pouvons aider le ministre à comprendre par quels moyens ils seront assurés :
- par les caisses de retraite du privé, puisque le régime général devient « l’équilibreur en dernier ressort » des régimes spéciaux du public, et que le régime complémentaire AGIRC-ARRCO doit contribuer à l’y aider
- par les retraités eux-mêmes, dont les pensions seront d’autant moins revalorisées
- par l’ensemble des contribuables, puisque l’Etat verse déjà une subvention annuelle de 3,2 milliards d’euros au régime spécial de la SNCF, sans parler d’un double taux de cotisation pour financer leurs avantages, ni de la reprise de la dette de l’entreprise publique (35 milliards entre 2020 et 2022), que contribuent également à creuser le régime spécial
- enfin, par les usagers de la SNCF.
Il est à noter que les affiliés aux régimes du privé, les contribuables et les usagers du train sont souvent les mêmes…
À ce niveau, parler de « dysfonctionnement » est un doux euphémisme ! À qui Bruno Le Maire veut-il faire croire qu’il n’était pas au courant des négociations en cours, alors que la presse l’était ? Appelé à s’expliquer devant le Sénat le 7 mai, Jean-Pierre Farandou a souligné que ce sont les pouvoirs publics eux-mêmes qui ont demandé, à l’automne 2023, d’engager des négociations sur la "cessation progressive d’activité" et que des hauts-fonctionnaires du ministère de l’Economie siègent au conseil d’administration de la SNCF. À moins que ses propres collaborateurs ne le tiennent pour quantité négligeable, Bruno Le Maire était donc informé. Le PDG du groupe SNCF a aussi rappelé que les négociations avaient été évoquées dès le mois de février dans le cadre d’un entretien publié par le quotidien Le Monde. Cet entretien aurait-il échappé au service de presse de Bruno Le Maire ?
En réalité, le gouvernement est si conscient du scandale que représente cet accord, au moment où l’Etat s’évertue par tous les moyens à plumer les affiliés aux régimes du privé, que le ministre de l’Economie préfère adopter la politique de l’autruche et donner le change en annonçant que le mandat de Jean-Pierre Farandou à la tête de la SNCF, qui se termine au mois de mai, ne sera pas renouvelé et prendra fin après les Jeux olympiques… Mais si le gouvernement n’annule pas l’accord signé avec les syndicats de cheminots – ce dont il n’est pas question pour l’instant –, cette disgrâce apparente n’est qu’un jeu d’ombres chinoises. Le fusible Farandou aura sauté, mais rien n’en sera changé pour autant.
En fin de compte, une alternative se pose : soit Bruno Le Maire est complètement incompétent soit il prend les Français pour des idiots. L’un n’empêche pas l’autre !