L’arnaque à deux coups de l’article 9
Le projet du gouvernement de siphonner les réserves du régime de retraite complémentaire des salariés du privé sous prétexte de contribuer à la revalorisation des petites pensions – mais en réalité pour financer l’incurie de l’Etat et le déficit abyssal de ses régimes spéciaux –, se heurte à des résistances si vives qu’Elisabeth Borne et ses ministres ont dû temporiser et feindre d’y renoncer, très provisoirement.
Ce n’est pourtant que la partie immergée d’un iceberg dont les proportions, déjà gigantesques, sont toutefois encore inférieures à ce que prévoit l’article 9 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024. Dans cet article, les régimes du privé sont en effet purement et simplement spoliés au bénéfice de certains régimes spéciaux du secteur public (entreprises publiques et Conseil économique, social et environnemental…).
La manœuvre se déroule en deux temps.
Premier acte : lesdits régimes spéciaux sont financièrement intégrés, à compter du 1er janvier 2025, au régime général de sécurité sociale (Cnav), qui sera désormais chargé d’assurer leur équilibre lorsque leurs ressources ne permettront pas de l’assurer : c’est-à-dire en permanence, puisque tous ces régimes sont structurellement déficitaires !
Deuxième acte : les régimes de retraite complémentaire du privé (Agirc-Arrco) versent au régime général une « contribution », dont le montant est fixé par une convention approuvée par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale, du travail et du budget : autrement dit, l’Etat. Le tout, « au titre de la solidarité financière au sein du système de retraite », prétexte commode à ce vol inqualifiable. À défaut, c’est-à-dire dans le cas où les gestionnaires de l’Agirc-Arrco seraient tentés de résister, c’est un décret qui fixera le montant de la rançon !
Pour résumer : la Cnav, régime de base du privé, est vampirisée au profit des régimes spéciaux du public, soi-disant « fermés », mais qui continuent de servir des avantages très coûteux et non financés à leurs affiliés au titre de la « clause du grand-père ». Et, sous prétexte de solidarité, la Cnav (elle-même gérée par l’Etat et déficitaire, quoique dans une moindre mesure que les régimes spéciaux) aspire à son tour les fonds de l’Agirc-Arrco. En somme, il s’agit d’un simple jeu de vases communicants, de l’Agirc-Arrco à la Cnav et de la Cnav à l’Etat, qui permet in fine à ce dernier de pomper les réserves convoitées du régime complémentaire des salariés du privé.
Au voleur !