Bobards et incompétence d’Olivier Véran, porte-mensonge du gouvernement
Répondant à un journaliste de Liaisons sociales, après le conseil des ministres du 11 octobre, en pleine querelle avec les organisations syndicales et patronales gestionnaires du régime de retraite complémentaire des salariés du privé (Agirc-Arrco), que l’Etat voudrait siphonner d’un à trois milliards d’euros, Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, a émis une série de contre-vérités relevant du mensonge ou de l’incompétence – et sans doute des deux à la fois.
- Il affirme ainsi que le régime Agirc-Arrco « concerne pour l'essentiel DES CADRES dans notre pays ». Une bourde de taille, ahurissante de la part d’un ministre ! En effet, le régime Agirc-Arrco concerne 26 millions de cotisants et plus de 13 millions de retraités, cadres et non-cadres. L’Agirc, spécialement destiné aux cadres à l’origine, a fusionné avec l’Arrco le 1er janvier 2019. On ne voit pas bien comment le gouvernement, en piquant dans la caisse, va différencier l’argent des cadres de celui des non-cadres. Rappelons, en outre, que le rendement de l’Agirc et de l’Arrco n’a pas cessé de baisser depuis trente ans et que cette baisse a frappé tout particulièrement les cadres.
- Selon Véran, l’Agirc-Arrco « se retrouve avec 1 milliard d'excédents du fait de la réforme des retraites que NOUS avons conduite », dit-il. C’est faux, puisque la réforme, mise en place début septembre, n’a encore porté aucun fruit. Les prétendus « excédents » que l’Etat souhaite détourner à son profit dès 2024, n’ont donc aucune réalité aujourd’hui.
- Véran « rappelle que si on a réformé les retraites, c'est pour équilibrer le système et réduire la dépense publique ». Or, il suffit de consulter le projet de loi de finances pour 2024 pour constater que la dépense publique ne s’est jamais si bien portée. Si le gouvernement voulait « équilibrer le système », il commencerait par réformer les régimes spéciaux de la fonction publique, structurellement et lourdement déficitaires, au lieu de lorgner le régime complémentaire du privé, dont le budget est au contraire équilibré ! Ce sont les insuffisances de sa réforme qui conduit aujourd’hui le gouvernement à convoiter ses réserves.
- Véran affirme que « lorsque [les] partenaires sociaux font face à des déficits ou à des pertes de recettes, ils demandent légitimement à l'État de venir abonder les caisses pour compenser leur manque à gagner. Et je note que lorsque c'est l'inverse, ils ne sont pas du tout pressés de restituer à l'État le surplus, ce qu'on pourrait attendre qu'ils fassent, mais ils dépensent de l'argent. » Ici, la mystification le dispute au cynisme. Car c’est l’inverse qui s’est produit. De 2009 à 2018, alors que l’Agirc-Arrco rencontrait des difficultés liées aux crises financières, l’Etat n’a apporté aucune aide au régime, qui a dû sortir 38 milliards d’euros de ses réserves pour maintenir son budget à l’équilibre. Pendant la crise du Covid, l’Etat refusa de nouveau d’aider le régime du privé, mis en difficulté par les mesures de chômage partiel décidées par le gouvernement et qui fut contraint de puiser de nouveau dans ses réserves et de désinvestir à un moment où les marchés étaient très bas. Le gouvernement est donc malvenu d’exiger aujourd’hui des salariés affiliés à l’Agirc-Arrco une contribution à ses propres dépenses.
- Véran accuse aussi l’Agirc-Arrco d’avoir décidé « d'utiliser ce milliard d'euros supplémentaire non pas pour réduire les déficits ou pour équilibrer le régime, mais pour dépenser davantage d'argent pour augmenter le niveau de retraite complémentaire des cadres ». En réalité, le régime Agirc-Arrco est équilibré, à la différence des régimes gérés par l’Etat. La revalorisation de 4,9 % en 2024 prévue par ses gestionnaires concerne, comme on l’a vu, tous ses affiliés et pas seulement les cadres. Notons que l’Etat lui-même revalorise de 5,2 % le régime général, sans se soucier de savoir comment cette mesure sera financée – et l’on verra le 1er novembre ce qu’il en sera des régimes spéciaux. *
- Enfin, Véran passe (involontairement) aux aveux, en déclarant : « comme on a un budget à tenir, avec un engagement que nous avons pris devant les Français de baisser les impôts, de baisser la dépense publique et de réduire les déficits, nous devons en responsabilité (sic !) identifier les voies et moyens pour que cette nouvelle dépense d'1 milliard d'euros pour les retraites complémentaires des cadres dans notre pays ne vienne pas pénaliser le financement des services publics, des écoles et des hôpitaux dans notre pays. » Le toupet est complet ! Car le milliard en question ne provient pas d’un impôt, mais des cotisations des salariés du privé affiliés. Les gestionnaires de l’Agirc-Arrco ont considéré avec raison que l’argent des cotisations des salariés du privé devait servir aux salariés du privé et soulager les efforts qu’ils ont consentis pour maintenir leur caisse à l’équilibre, plutôt qu’être englouti dans les déficits irresponsables des régimes de l’Etat-cigale. Contrairement à ce que semble croire le ministre, les réserves de l’Agirc-Arrco ne proviennent pas de l’impôt, mais des cotisations sociales des salariés du privé. Il n’y a donc aucune justification à ce qu’elles servent à financer les écoles, les hôpitaux, les augmentations de salaire des fonctionnaires – ou même, pourquoi pas, le nettoyage de la Seine pour la rendre baignable lors des jeux olympiques, gaspillage qui coûtera… 1,4 milliard d’euros !
*Dans son rapport sur le budget de l’Etat en 2022, la Cour des comptes a souligné le poids financier de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique (de 3,5 % en juillet 2022), en y associant 845 millions d’euros d’augmentation du CAS Pensions (compte spécial du budget consacré aux pensions de l’Etat), dont les perspectives sont « fortement dégradées pour les années 2023 à 2025 ». Du CAS de l’Etat au casse qui menace les retraites du privé, on tourne toujours autour d’un milliard d’euros…