Emmanuel Macron : grand discours et petite réforme
Souvenez-vous… Le 5 mars 2020, l’Assemblée nationale adoptait, via l’article 49.3 de la constitution, le projet de loi organique portant la réforme des retraites promise par Emmanuel Macron lors de sa campagne électorale de 2017. Il s’agissait alors d’instaurer le principe d’un régime universel par points. Tel qu’il fut présenté initialement, ce premier projet était à la fois ambitieux et nécessaire. Pour la première fois, il s’agissait en effet d’une réforme systémique et non d’un simple ajustement paramétrique. Très vite, malheureusement, l’exécutif a consenti des concessions majeures, notamment vis-à-vis des régimes spéciaux. La loi organique prévoyait en effet de fixer par ordonnances les modalités pratiques de la suppression ultra progressive des régimes spéciaux. Une manière de confier… à l’administration le soin de se réformer elle-même. L’entourloupe des futures compensations se voyait comme le nez au milieu de la figure. Le Conseil d’État soulignait alors « que le fait, pour le législateur, de s’en remettre à des ordonnances pour la définition d’éléments structurants du nouveau système de retraite fait perdre la visibilité d’ensemble qui est nécessaire à l’appréciation des conséquences de la réforme ». C’était peu dire… Nous avions alors assisté à la première étape du grand renoncement à réformer. La deuxième étape suivra très vite : au prétexte de la crise sanitaire, ce projet, voté en première lecture à l’Assemblée nationale, n’ira jamais au Sénat. Un abandon en rase campagne…
La dégringolade de la volonté de réforme
Nous venons d’assister à la troisième étape du grand renoncement : une énième réforme paramétrique adoptée, une fois encore, avec le 49.3… Cette fois, c’est l’outil d’une loi de financement de la sécurité sociale rectificative (LFSSR) qui a été choisi, pour faire passer la mesure-phare du recul de l’âge légal de départ à 64 ans. Le député Charles de Courson a vivement reproché à l’exécutif d’avoir « délibérément choisi cette procédure pour préparer un éventuel passage en force », c’est-à-dire « le recours à un onzième 49.3 en un an ». Toutefois, le vrai scandale ne tient pas tant à l’usage, même abusif, d’un outil constitutionnel, que dans le fait que nous en soyons, trois ans après la capitulation de 2020, à faire passer aux forceps une réforme encore moins ambitieuse, qui prétend réformer les régimes spéciaux sans toucher un cheveu des principaux : ceux des fonctionnaires. Tout ça pour ça… Quelle dégringolade de la volonté de réforme…
Mercredi 22 mars, le Président de la République a annoncé que, sauf censure du Conseil constitutionnel, le projet de loi – désormais adopté après l’échec de la motion de censure – allait « poursuivre son chemin démocratique » et entrerait en vigueur « avant la fin de l’année ». Emmanuel Macron s’est présenté comme celui qui ne lâche rien alors même qu’il a déjà renoncé à tout, ou presque… Une autre pression que celle de la rue est plus que jamais nécessaire : celle de la majorité silencieuse qui exige la suppression réelle des régimes spéciaux et une réforme systémique du système de retraite, fondée sur le principe « À contributions égales, pensions égales »…