Priorité à la suppression des régimes spéciaux !

Toute vraie réforme doit commencer par la suppression des régimes spéciaux de la fonction publique. Le reste n’est que supercherie.

En l’absence de la réforme structurelle des retraites qu’avait promis Emmanuel Macron en 2017, le recul à 64 ans de l’âge de départ à la retraite est, au mieux, un pis-aller, qui, si le gouvernement ne consent pas aux syndicats de la fonction publique de trop généreuses compensations, améliorera peut-être provisoirement la situation financière des systèmes de retraite français. Cette situation est rendue intenable, notamment, par la persistance des régimes spéciaux des fonctionnaires, structurellement déficitaires. Or, à cet égard, la réforme Borne maintient le statu quo. Ce n’est pas son seul défaut, mais c’est sans doute le plus grave.

Selon une estimation proposée par un collectif de hauts-fonctionnaires, au printemps dernier, dans la revue Commentaires, le déficit des régimes spéciaux de retraite de la fonction publique s’élèverait à 30 milliards d’euros par an. Rappelons que dans les régimes spéciaux du public (pas seulement ceux des fonctionnaires), le montant des pensions est garanti par l’Etat, sans aucun souci de l’équilibre budgétaire. En somme, l’Etat paie sans regarder à la dépense, avec le produit de l’impôt prélevé sur l’ensemble des contribuables et en creusant la dette publique.

Il en résulte une double injustice :

  • d’une part, pour les affiliés aux régimes du secteur du privé, qui ont consenti des sacrifices conséquents pour maintenir leurs propres caisses à l’équilibre financier (les rendements baissent depuis trente ans), et qui participent en tant que contribuables au financement de ces régimes spéciaux plus « généreux » que les leurs
  • et d’autre part, pour les générations montantes, qui seront appelées à rembourser la dette et ses intérêts. À cet égard, rappelons que selon le principe de la retraite par répartition, qu’Elisabeth Borne prétend sauver, ce sont les actifs qui financent les retraites par leurs cotisations. Eston encore dans ce cadre, quand les pensions actuelles sont financées par les cotisants de l’avenir, qui auront aussi à payer celles des cotisants actuels ? Voilà, à tout le moins, une curieuse conception de la « solidarité intergénérationnelle ».

Il n’est pas équitable non plus de demander aux affiliés aux caisses du secteur privé de partir à 64 ans au minimum, quand un million d’agents publics (fonctionnaires et salariés des entreprises publiques) pourront continuer à liquider leurs droits cinq ou dix ans plus tôt, sous prétexte qu’ils appartiennent à des catégories dites « actives », qui sont réputées exercer des travaux plus « pénibles ». Sur quels critères ? Est-il, par exemple, plus pénible d’être conducteur de bus à la RATP qu’à Marseille ?

Ces raisons portent à conclure que la réforme Borne ne devrait même pas être considérée comme un pis-aller, mais comme un maquillage destiné à dissimuler l’échec et l’abandon de la réforme structurelle promise à l’origine par Emmanuel Macron. En somme, le camouflage d’un camouflet. Répétons-le : toute vraie réforme doit commencer par la suppression des régimes spéciaux de retraite de la fonction publique, ceux-là même que les syndicats défendent bec et ongles. Une fois ces régimes du public réformés, il sera possible d’aligner sur eux les régimes du privé – exactement à l’inverse de ce qui a été fait jusqu’à présent.


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