Adieu Monsieur Madoff !
L’escroc américain Bernard Madoff est mort en prison à l’âge de 82 ans. Condamné en 2009 à 150 ans de détention, il est mondialement connu pour avoir opéré la plus célèbre escroquerie financière de l’histoire récente, qui porterait sur un montant global estimé entre 50 et 65 milliards de dollars américains (41 à 54 milliards d’euros). Bernard Madoff avait en effet créé un fonds d’investissements qui était devenu le plus juteux de Wall Street, servant des rendements de 17 % par an. Pourtant, ce fonds ne réalisait pas le moindre investissement réel… Madoff avait en effet bâti une « pyramide de Ponzi » (du nom de l’escroc italien Charles Ponzi), c’est-à-dire un mécanisme qui consiste tout simplement à payer les intérêts de ses clients avec l’argent confié par les nouveaux investisseurs. Si le principe est simple, la réalisation fut complexe puisqu’il fallut gagner la confiance de milliers d’investisseurs et leur faire croire, par la production de faux relevés, que leur argent était effectivement investi. Une telle escroquerie peut perdurer tant que le nombre de nouveaux investisseurs continue à croître de manière exponentielle. C’est bien ce qui s’est passé pendant de longues années pour le fonds Madoff, avant que la pyramide ne s’effondre en 2008. De nombreux investisseurs ont alors demandé à retirer leur argent et la gigantesque arnaque a été révélée.
La répartition : du Madoff à tous les étages
Le système français de retraite par répartition constitue lui-même une pyramide de Ponzi, en quelque sorte officielle et légale. Comme le fonds Madoff, notre système de retraite paie les rendements des cotisants d’hier avec l’argent des nouveaux entrants. Comme pour le fonds Madoff, la survie du système nécessite une croissance toujours plus forte du nombre de cotisants. C’est bien pour cela qu’au cours de l’histoire des retraites, l’Etat n’a eu de cesse de vouloir unifier les régimes de retraite pour augmenter toujours plus le nombre de cotisants et contrôler toujours davantage la masse de cotisations. Comme le fonds Madoff, notre système a promis de juteux rendements et s’est prétendu le « meilleur du monde » avant que les choses ne se gâtent. Comme le fonds Madoff, notre système de retraite gère – ou prétend gérer – des sommes considérables : la seule Cnav amasse 90 milliards d’euros de cotisations (hors contribution du Fonds de solidarité vieillesse, les impôts et taxes affectés et les transferts reçus) prélevées à 19 millions de cotisants. La Cnav, c’est deux fois Madoff chaque année !
Au bout du compte, la seule différence entre les deux pyramides de Ponzi est que Madoff ne pouvait contraindre ses clients – il devait les séduire et gagner leur confiance – tandis que l’Etat a pu s’assurer la croissance du nombre de cotisants sans avoir besoin de les convaincre, tout simplement en rendant l’affiliation obligatoire.
Pour autant, ce n’est pas parce qu’un système est légalement obligatoire qu’il en est plus vertueux ! Bien au contraire… Au moins les clients de Madoff avaient-ils pris librement leurs risques, tandis que les affiliés des caisses de retraite sont une clientèle captive qui ne peut même pas placer son argent où bon lui semble pour assurer ses vieux jours…
Les derniers entrants sont perdants
Pendant de longues années, la pyramide de Ponzi de la retraite par répartition a servi, comme Bernard Madoff, des rendements élevés. Mais aujourd’hui, ce sont les derniers entrants qui sont perdants et paient en quelque sorte la facture puisque les rendements ont chuté dans tous les régimes par répartition entre 1995 et 2020. Ils ont même été divisés par deux dans les complémentaires du privé (Agirc-Arrco). C’est le grand tabou dont on évite soigneusement de parler. Et compte-tenu de l’évolution du rapport démographique entre cotisants et retraités, les choses vont se dégrader encore… Pourtant, en France, la loi du 5 novembre 1953 a strictement interdit les systèmes dits de « vente à la boule de neige » ou de « vente pyramidale »… Interdit pour tout le monde sauf pour l’Etat et son système de retraite par répartition. Quand Bernard Madoff pratique cette méthode, on appelle cela – à juste raison – « escroquerie » mais quand c’est l’Etat qui l’organise, on appelle cela « solidarité ». Quand Bernard Madoff est pris la main dans le sac, c’est « le goudron et les plumes », tandis que pour nos politiques et gestionnaires de la sécurité sociale, c’est la Légion d’honneur et l’ordre du mérite…
Aujourd’hui, la répartition poursuit sa fuite en avant. Si ses promoteurs continuent à chanter ses louanges, ce n’est pas seulement par idéologie, c’est parce qu’ils veulent différer toujours davantage le moment où il apparaîtra que le « roi est nu ». Bien sûr, dans notre système de retraite, le spectre n’est pas la faillite directe puisque personne ne peut demander à retirer son argent. Nous voici cependant prisonniers d’un système qui, pour continuer à faire illusion, s’acharne à augmenter encore et toujours les cotisations et à baisser les rendements, à défaut de pouvoir augmenter désormais le nombre de cotisants.
Pour sortir de ce mécanisme délétère, il faudrait avoir le courage de casser cette pyramide de Ponzi et d’initier une véritable réforme de notre système de retraite.
- Mots clés :
- régime général ; régimes spéciaux