La réforme en marche arrière
La première moitié du quinquennat est bientôt échue et le train de la réforme des retraites déraille avant même d’avoir été véritablement mis à quai. Ce qui était présenté comme l’un des projets majeurs du quinquennat d’Emmanuel Macron ressemble de plus en plus à l’Arlésienne d’Alphonse Daudet, que l’on attend et qui ne vient jamais. Le calendrier est incertain et le contenu même de la réforme reste dans le flou.
En effet, si Jean-Paul Delevoye prévoit d’en annoncer les grandes orientations après la mi-juillet 2019, la presse annonce déjà un recul sur la réforme structurelle, qui serait finalement précédée d’ajustements paramétriques… en attendant un éventuel deuxième quinquennat Macron. Tout ça pour ça !
Il faut avoir un peu de mémoire pour mesurer l’ampleur de l’incroyable patinage de l’exécutif.
Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron affichait sa volonté d’aller vite : « C’est une réforme d’ensemble, très ambitieuse. Je la ferai d’abord négocier au début du quinquennat », annonçait-il lors d’un entretien télévisé.
De fait, au début du quinquennat, tout semble devoir aller très vite. Dans un entretien donné à Ouest-France le 13 juillet 2017, le président affirme : « Les orientations seront présentées au Parlement au premier semestre 2018 ».
Dès l’automne 2017, les grandes manœuvres commencent. Nommé haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye débute la consultation des organisations syndicales le 21 novembre 2017. La radio RTL croit alors pouvoir annoncer qu’« une loi-cadre est attendue pour le premier semestre 2018 ».
Sept mois plus tard, mi-juin 2018, premier recul : au lieu de la loi-cadre attendue, le gouvernement annonce que la présentation du texte est repoussée à l’été 2019, pour un vote au mieux en 2020 et une entrée en vigueur en… 2022 !
En novembre 2018, Jean-Paul Delevoye affiche sa volonté de « remettre ses recommandations à l’Exécutif au printemps 2019, à l’issue des concertations sociale et citoyenne qu’il a lancées », pour une « présentation du projet de loi annoncée courant 2019 ». Dans la foulée, les tergiversations et annonces contradictoires se multiplient. Un mois plus tard en effet, en décembre 2018, le gouvernement revient sur l’annonce du haut-commissaire : « Devant l’ampleur de la tâche, le gouvernement a décidé, il y a quelques semaines, de décaler de six mois ce calendrier. Fin 2019, un texte devrait donc être présenté parallèlement à la Loi de financement de la Sécurité Sociale et la Loi de finances 2020. C’est cet élément de calendrier qui vient d’être confirmé. »
Six mois plus tard, le 12 juin 2019, dans sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, baptisée « acte II du quinquennat », le Premier ministre, Edouard Philippe déclare que le nouveau système de retraite sera mis en place « de manière très progressive » ; et que « la fin des régimes spéciaux […] se fera très progressivement, sans modifier les conditions de départ des personnes qui ont déjà des projets pour leur retraite et en conservant l’intégralité des droits acquis. » Et il ajoute : « Ce qui compte, c’est la cible vers laquelle nos régimes vont converger ; pour aller vers cette cible, il faut du temps et de la souplesse. Nous nous en donnerons pour réussir cette transformation. »
Ce n’est plus un calendrier de réforme qui est annoncé, c’est un calendrier du report de la réforme…
De fait, selon Les Échos, elle « pourrait être reportée à la fin de l’année ». Ce quotidien, qui relaie volontiers les informations venues du gouvernement, précise que « le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020, qui sera voté à l’automne, comportera des mesures d’économie sur l’assurance-vieillesse, avant même le vote sur la refonte des régimes de retraite. Du coup, le grand chantier que mène le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, depuis plus d’un an, semble désormais moins urgent. »
À en croire Les Échos, le projet de Delevoye pourrait n’être présenté au Conseil des ministres qu’au mois de décembre, et non pas comme prévu au mois de septembre. « Et il ne serait voté qu’après les élections municipales de mars 2020 », ajoute le quotidien économique…
Cela va sans dire… Mais suivront les élections départementales, en mars 2021 les régionales, en décembre de la même année avant la présidentielle et les législatives, en 2022. Autrement dit, la discussion du sujet-qui-fâche n’a pas fini d’être remise à la Saint-Glinglin.
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