Aux sources des avantages de la caste administrative

La récente réforme des retraites n’a pas écorné les avantages de la fonction publique. L’Etat sait choyer ses agents. Déjà, en 1964...

La loi du 26 décembre 1964 réformant le code des pensions civiles et militaires de retraite a aboli l’abattement du sixième, qui amputait jusqu’alors de 16,6 % le montant des pensions des fonctionnaires « de la catégorie A » : autrement dit celles des cadres de la fonction publique, à commencer par les hauts fonctionnaires…
Cette réforme a ainsi supprimé les limites posées par les textes antérieurs, qui soumettaient les retraites de la haute fonction publique à cet abattement (certes critiquable dans la forme : pour limiter le montant des pensions des haut-fonctionnaires, il aurait mieux valu le plafonner ou diminuer la valeur de l’annuité à partir d’un certain niveau de revenu). Ce faisant, elle a pris à contre-pied l’esprit des lois fondatrices, qui autorisaient l’Etat à assurer de quoi vivre à ses anciens serviteurs à la retraite – et particulièrement aux plus modestes d’entre eux –, mais ne prévoyaient pas de financer les pensions des mieux pourvus à 75 % du dernier salaire…
En abolissant l’abattement du sixième, l’Etat et les parlementaires – fonctionnaires – qui ont voté la loi de 1964, ont donc fait aux hauts fonctionnaires un cadeau d’autant plus gros que leur retraite était plus importante : 167 euros sur une pension de 1 000 euros, mais 833 euros sur une pension de 5 000 euros…
L’exposé général de la loi et des motifs qui l’ont inspirée par le député Pierre Billotte, rapporteur de la Commission culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale, témoignait à l’époque de cette volonté de privilégier les fonctionnaires. On y apprend que « les efforts du législateur pour donner aux agents de l’Etat des avantages de retraite marquant l’originalité de leur carrière, ne réussissent plus à la favoriser autant qu’on le souhaitait par rapport aux autres catégories de Français. (sic !) Les années 1936, 1946 et 1956 ont accusé l’évolution sociale du secteur privé. Le secteur nationalisé, lui aussi, s’est affirmé. Les fonctionnaires, en dépit de la course des avantages accordés, ne sont plus les seuls à avoir des garanties pour la fin de leur vie et, de ce point de vue, l’attrait que présentent les carrières de l’Etat ne cesse de s’effacer. »
S’inscrivant ainsi dans le cadre d’une politique comparable à la réaction nobiliaire qui, selon nos manuels d’histoire, eut lieu avant 1789, la suppression de l’abattement du sixième a donc permis de restaurer les privilèges d’une haute administration qui constitue, au sein de l’Etat, une sorte de caste quasi-sacerdotale.
Depuis 1964, quoi de changé ?

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