Un COR beaucoup trop léger…

Critiqué par le gouvernement lui-même pour ses projections « trop optimistes », le COR pourrait ne pas survivre au fiasco politique et social de ces dernières semaines.

Le 10 janvier 2022, Elisabeth Borne annonçait, lors d’une conférence de presse, les grandes lignes de la réforme des retraites. L’objectif affiché : « préserver notre système de retraite par répartition » en assurant son équilibre financier. Le Premier ministre insiste : « Dire que cet équilibre n'est plus assuré n'est pas une posture. C'est un constat. Un constat réalisé par tous ceux qui se sont penchés sur les retraites ». L’exécutif utilise alors l’argument de l’absolue nécessité de la réforme. Las… Le 19 janvier suivant, patatras… Auditionné par la commission des finances de l’Assemblée nationale, Pierre-Louis Bras, président du Conseil d’orientation des retraites (COR) depuis 2015, déclare aux députés que les dépenses de retraite « ne dérapent pas », qu’elles « sont relativement maîtrisées ». Et l’inspecteur général des affaires sociales et ancien directeur de la Sécurité sociale d’expliquer : « Sur le long terme, elles diminuent dans trois hypothèses sur quatre ». Il récidivera le 14 février devant les sénateurs… On connaît la suite : la réforme sera adoptée aux forceps sans que le gouvernement n’ait su convaincre l’opinion.

C’est peu dire qu’Elisabeth Borne en conçoit une certaine amertume… Pour elle, si la réforme n’a pas été comprise par le plus grand nombre des Français, c’est à cause du COR, qui aurait ruiné l’argument de la nécessité de la réforme. Nous apprenons ainsi qu’en privé, elle regrette aujourd’hui la présentation des différentes hypothèses : « Chacun obtient le scénario qu’il souhaite, ça a brouillé les pistes », déplore-t-elle. Incontestablement, le brouillage a opéré : les syndicats se sont rués sur les déclarations de Pierre-Louis Bras et sur les scénarios du COR pour affirmer que le recul de 62 à 64 ans de l’âge de départ n’était dicté par aucune nécessité financière, manifestant ainsi leur habituel déni de réalité…

Des projections démenties par les faits

Cependant, il est surprenant que Madame Borne vienne reprocher au COR le principe-même d’échafauder différents scénarios puisque cette instance, supposée indépendante, dépend de ses propres services et délivre ce qui lui est commandé par Matignon. Au surplus, cela fait maintenant plusieurs décennies que le COR élabore différents scénarios sur la base d’hypothèses économiques de croissance, de chômage et de productivité du travail. Et cela fait plusieurs décennies encore que ces hypothèses sont bien souvent démenties par les faits, comme le démontre une comparaison simple entre les prévisions et les résultats réels. Ce n’est pas la compétence technique du COR qui est en cause, ce sont les variables économiques qui sont utilisées pour réaliser les projections, variables déterminées par… l’administration elle-même, donc sous la responsabilité de l’exécutif. Le serpent se mord la queue…

S’il est un peu facile, de la part de Madame Borne, de faire du COR le bouc émissaire du fiasco politique et social de ces dernières semaines, l’épisode a le mérite d’ouvrir le débat sur une éventuelle réforme du COR, voire sur sa suppression pure et simple. À Matignon, on juge que ce dernier « n’est plus le lieu où l’on peut se mettre d’accord sur un diagnostic ». Toutefois, le gouvernement envisagerait une formule où les syndicats seraient « en responsabilité ». Idée saugrenue, s’il en est, quand on sait combien ces deniers ont intérêt à jouer l’immobilisme sur l’air « Tout va très bien Madame la Marquise »… Il est surprenant que nul n’ait songé, à ce stade, à confier ce travail à un vrai cabinet d’actuaires libre et indépendant.


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