Réforme : le temps des choix décisifs
Mercredi 6 juillet 2022, Elisabeth Borne a prononcé son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale. Bien sûr, elle ne pouvait faire l’impasse sur le sujet des retraites, mais son propos – évasif, général et bien flou – trahissait l’embarras du gouvernement sur ce dossier. D’une extrême prudence, Madame Borne s’est contentée de répéter ce que l’on entend depuis 30 ans : il faut réformer… Mais quelle réforme avec quel contenu ? Mystère et boule de gomme… Bref, le gouvernement ne sait pas par quel bout aborder ce dossier réputé explosif…
Nous sommes en début de quinquennat et le temps est venu de cesser de tergiverser pour aller au cœur du sujet des retraites. Le nœud ultime de la question n’est pas l’âge de départ, même s’il est vrai qu’il faudra travailler plus longtemps, ou quelque autre paramètre à modifier, mais de faire un choix clair entre deux options : un système de retraite à prestations définies ou à cotisations définies, ou plutôt la transition des régimes à prestations définies vers des régimes à cotisations définies. Il est temps d’ouvrir ce débat escamoté depuis trop longtemps…
Dans un régime à cotisations définies, les souscripteurs versent des cotisations dont le montant est fixé par avance, mais la caisse de retraite ne s’engage pas sur le futur montant de la pension, lequel dépendra des conditions financières du moment, en évitant tout déficit. A l’inverse, dans un régime à prestations définies, l’effort en termes de cotisations n’est pas prédéterminé et la caisse promet aux affiliés un certain niveau de pension par rapport au dernier salaire d’activité, s’imposant ainsi une obligation de résultat sur plusieurs décennies qui est intenable puisque cela constitue un report indéfini des charges sur les futures générations. Lorsque, immanquablement, les évolutions démographiques sont défavorables, le financement des pensions devient une équation insoluble.
Toutes les grandes réformes des retraites entreprises chez nos voisins ont pris cette voie. En France, cette mutation a également été opérée par les régimes de base des professions libérales, transformés en régimes à cotisations définies pour assurer leur pérennité. Il reste aujourd’hui presque uniquement les régimes spéciaux pour poursuivre la fuite en avant des prestations définies. La France doit donc désormais convertir les régimes spéciaux, qui sont tous à prestations définies et donc structurellement déficitaires, en régimes à cotisations définies. C’est la seule voie praticable. A défaut, nous continuerons à reporter la charge de millions de pensions sur les nouvelles générations.
Voici donc le véritable enjeu originel de la réforme des retraites[1], celui que les politiques autant que l’administration ne veulent toujours pas regarder en face. Le temps de ce choix décisif est pourtant venu...
[1] Lire Etudes & analyses de Sauvegarde retraites numéro 60 : Les enjeux originels de la réforme des retraites.