Emmanuel Macron enterre la vraie réforme

Adieu réforme ! On ne change rien au fond du système et on se contente de poursuivre sur la lancée du recul de l’âge de départ commencé en 2010. Emmanuel Macron vient d’enterrer les derniers vestiges de sa réforme avortée

Le président de la République avait déjà sonné le glas de la réforme de fond, déjà très insuffisante, qu’avait préparée pendant deux ans Jean-Paul Delevoye, et capitulé en rase campagne devant les syndicats du public. Puis, il s’était replié sur un projet qui prévoyait de reporter l’âge légal de départ à 64 ans et de mettre en place trois grands régimes de retraite : des indépendants, des salariés du privé et de la fonction publique – ce qui revenait à pérenniser les avantages retraite des fonctionnaires.

Il vient de s’engager plus loin sur la voie du renoncement : s’il est réélu, il n’envisage plus de modifier, si peu que ce soit, l’architecture du système. Les principaux régimes spéciaux, à savoir ceux de la fonction publique, seront maintenus en l’état.

Seuls ceux de la RATP et d’EDF, à en croire le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, seraient fermés, comme celui de la SNCF est censé l’être depuis 2020... Sauvegarde Retraites a déjà dénoncé cette vraie fausse fermeture, qui aboutit à maintenir le régime spécial des cheminots pour tous ceux recrutés avant le 1er janvier 2020 : c’est la clause dite du « grand-père ». Quant à ceux embauchés depuis cette date, leur retraite restera gérée par la caisse du régime spécial. Ils continueront très probablement à jouir des mêmes avantages, par le biais d’un régime d’entreprise – ce qui explique la passivité des syndicats du public. Selon le sénateur Savary, président de la mission d’évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale du Sénat, le régime spécial de la SNCF ne disparaîtrait pas avant 2120. Le même schéma pourra s’appliquer à EDF et à la RATP.

Concernant les autres régimes spéciaux, à commencer par ceux de la fonction publique, Emmanuel Macron n’envisagerait, selon le quotidien Les Echos, qu’une « convergence » dans un futur lointain : sans rire, le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, ose même parler d’une « clause de l’arrière-grand-père » ! De qui se moque-t-on ?

Les retraites, principal gisement d’économies pour l’Etat

En revanche, l’actuel président souhaite reculer l’âge l’égal, non plus jusqu’à 64 ans, mais jusqu’à 65 ans. Pourquoi cette année de plus ? Parce que les bénéfices que l’Etat en retirerait compenseraient les effets secondaires du report (en termes de prestations supplémentaires de chômage, d’invalidité, de RSA…)

Ainsi, tandis que les retraités du privé partiraient à 65 ans, tandis qu’une part non négligeable de ceux du public (ceux qui peuvent partir actuellement à 52 ou 57 ans) pourraient liquider leurs droits à la retraite à 55 ou 60 ans. Les régimes spéciaux persistant, l’écart continuerait à se creuser, dans un système toujours plus inéquitable !

Mais ce n’est même pas le plus inquiétant. En effet, les économies réalisées sur les retraites permettraient à l’Etat de pallier les difficultés budgétaires consécutives à la guerre en Ukraine, au choc gazier, aux investissements lourds dans les domaines de l’énergie et de la défense, et au soutien de pans entiers de l’économie (résultant du fameux « quoiqu’il en coûte »). Aujourd’hui, le système de retraite est ainsi, comme l’écrivent Les Echos, « le principal gisement d’économies » pour l’Etat : un fonds dans lequel il puisera à volonté – au détriment des affiliés aux régimes du privé. Et la répartition, constamment présentée comme la meilleure garantie pour les retraites, apparaît pour ce qu’elle est : un marché de dupes qui met les retraités à la merci des technocrates de Bercy.


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