920 000 euros de conseils privés pour un fiasco public

L’Etat appelle des cabinets de conseil en « renfort » de l’armée mexicaine de ses propres agents. Et le contribuable paie la facture.

La France est le pays des « comités Théodule » – ces coquilles vides institutionnelles qui semblent avoir été créées pour verser des rentes de situation à des politiciens ou des hauts-fonctionnaires. On y trouve aussi un nombre de fonctionnaires très élevé par rapport à des pays comparables (85 pour 1000 habitants chez nous, contre 56 en Allemagne). Mais cela ne suffit apparemment pas, puisque le gouvernement français fait de plus en plus appel à des sous-traitants pour réfléchir aux missions incombant aux administrations françaises. En matière de Santé, par exemple, les prestations commandées par le ministère aux cabinets de conseil privés, notamment au cabinet américain McKinsey, ont coûté quelque 26,8 millions d’euros au contribuable.

En matière de retraite aussi, le gouvernement a demandé en 2019 à McKinsey de l’éclairer sur les « axes d’évolution de la Cnav pour faire en sorte qu’ils assument mieux leurs missions, dans la perspective de la réforme éventuelle [des retraites] et de manière générale pour améliorer leur fonctionnement », comme l’a expliqué Thomas London, directeur associé de McKinsey au bureau de Paris. Coût de ce coup de projecteur : 920 000 euros. Un exemple parmi d’autres.

Pour mémoire, la Cnav emploie plus de 14 000 salariés (selon son rapport d’activité 2020), ce qui est considérable par rapport à ce que l’on voit dans les autres pays européens. Était-il indispensable de convoquer à grands frais un cabinet américain en renfort de cette véritable « armée mexicaine » ?

En outre, un haut-commissaire chargé de la réforme, M. Jean-Paul Delevoye, avait été nommé et travaillait sur ce dossier avec sa propre équipe depuis 2017. On ne sache pas que l’intervention de McKinsey en 2019 ait amélioré les choses, puisque c’est cette année-là que se sont multiplié les différents entre le haut-commissaire et le Premier ministre Edouard Philippe, qui ont précédé la démission de Jean-Paul Delevoye, en décembre 2019.

C’est aussi à cette époque que la réforme préparée par Jean-Paul Delevoye, déjà fâcheusement incomplète, a commencé à être vidée de son contenu par Edouard Philippe – notamment avec l’idée d’une « clause du grand-père », aboutissant à renvoyer à la Saint-Glinglin l’extinction des régimes spéciaux.

C’est enfin en 2019 qu’ont commencé la grève dans les transports et les reculs concomitants du gouvernement sur une réforme enterrée l’année suivante.

Fallait vraiment dépenser 920 000 euros d’"éclairage" pour en arriver là ?


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