Les réserves du privé prises à bras le COR
Le 15 avril dernier, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) a publié un document préparatoire à son rapport annuel, dans lequel il présente des hypothèses concernant les évolutions et perspectives à moyen et long terme du système de retraite. Établis à partir de conventions de calcul et de scénarios de départ différents, ces pronostics - qui s’étendent jusqu’à l’an 2070 - et ont toutes chances d’être démentis dans quelques mois sont, comme d’habitude, fortement sujets à caution. Le COR lui-même insiste « sur le caractère illustratif de ces simulations qui doivent avant tout être considérées comme des aides à la réflexion compte tenu de leurs limites. »
Mais cette « réflexion » peut avoir des conséquences plus concrètes, en particulier pour les réserves des régimes du privé, qui représentaient 151 milliards d’euros, fin 2019 (sans doute un peu moins aujourd’hui en raison de l’utilisation d’une partie des fonds dans le contexte de la crise sanitaire : ainsi, l’AGIRC-ARRCO a utilisé 4 milliards d’actifs pour équilibrer son budget).
Le COR pose en effet la question de leur utilisation : « Dans une optique de pilotage du système de retraite à long terme, il peut être intéressant d’apprécier la situation du système de retraite en mobilisant les réserves accumulées pour couvrir les soldes négatifs sans avoir recours à l’endettement tant que cela est possible », écrit-il. Traduisons : en jetant les réserves dans le trou du déficit, ce sera toujours ça de moins à emprunter pour payer les retraites. Comme l’écrit le COR, « les besoins de financement sont financés par utilisation des réserves ou, si les réserves sont épuisées, par endettement ».
Mais ce raisonnement recèle une faille importante. Il prétend utiliser ces réserves pour équilibrer le système, comme si ce dernier était unifié (c’était ce qu’annonçait, à l’origine, la réforme Macron). Or, il n’en est rien. Comme en convient aussi le COR, les réserves « n’appartiennent pas au système de retraite dans sa globalité », mais sont « détenues en propre » par les régimes – essentiellement des complémentaires – qui les ont constituées (grâce aux efforts demandés à leurs affiliés).
« À l’inverse, certains régimes ne disposent d’aucune réserve financière », poursuit le COR. C’est un euphémisme. Certains accumulent les déficits, année après année. C’est en particulier le cas des régimes spéciaux de la fonction publique de l’Etat, de la SNCF, de la RATP, etc. Ceux-ci « n’ont pas également constitué de réserves de par leur nature », précise le COR. Et pour cause : payés avec l’argent prélevé sur les contribuables et structurellement déficitaires, ils creusent au contraire la dette publique.
L’idée d’utiliser les réserves de certains régimes et leurs produits financiers pour limiter l’endettement du système de retraite dans sa globalité, ne se justifie donc pas et ne doit surtout pas alimenter la « réflexion » de l’autorité publique. Cela reviendrait à spolier les affiliés à ces régimes (salariés du privé ou libéraux) du fruit de leurs efforts, afin de préserver un peu plus longtemps les avantages des bénéficiaires des régimes spéciaux du public. Une "solution" à la fois incohérente et injuste.
- Mots clés :
- régimes spéciaux
- régimes complémentaires