Face à la crise, la vraie réforme s'impose !
La crise sanitaire liée au coronavirus débouche sur une crise économique qui a déjà commencé et qui risque d’être de grande ampleur et ne sera pas sans conséquences pour le système de retraites.
Dans ce contexte, le gouvernement paraît renoncer à la très imparfaite réforme des retraites qu’il avait imposée à l’Assemblée nationale en recourant à l’article 49-3. En fait d’« universalité », ce projet de loi, critiquable à de nombreux égards, renvoyait aux calendes grecques la suppression des régimes spéciaux du public et faisait supporter une fois de plus les efforts à venir aux affiliés du secteur privé et aux jeunes générations. D’abord suspendu, il semble sur le point d’être reporté jusqu’après la prochaine élection présidentielle. C’est en tout cas ce que laisse supposer la nomination du secrétaire d’Etat chargé de la réforme, Laurent Pietraszewski, à la tête d’un Secrétariat d’Etat chargé de la protection de la santé des salariés contre l’épidémie de Covid-19 (un lot de consolation ?), ainsi que les récentes déclarations du ministre chargé des relations avec le Parlement, Marc Fesneau, qui a expliqué sur Europe 1, le 24 mai, que le projet de loi de réforme « n’est pas inscrit à l’ordre du jour du calendrier parlementaire », mais que les « questions posées » par la réforme « reviendront ».
Le ministre se trompe. Ces questions ne « reviendront » pas, parce qu’elles ne sont jamais parties. Elles n’ont même jamais été aussi présentes et pressantes, comme le montre l’appel adressé à l’Etat par les régimes de retraite complémentaire du secteur privé, AGIRC-ARRCO, qui lui demandent une avance de trésorerie de 8 milliards d’euros.
En 2019, pourtant, l’AGIRC-ARRCO était financièrement à l’équilibre et dégageait même un résultat excédentaire avoisinant 500 millions d’euros. Par ailleurs, elle disposait de 65 milliards d’euros de réserves, dont le placement lui avait rapporté 700 millions d’euros. Elle avait donc enregistré l’an dernier un résultat de 1,2 milliard d’euros. Pourquoi, alors, cette demande de 8 milliards de trésorerie ?
- Parce que le confinement a eu pour effet de mettre au chômage partiel 12,4 millions de salariés (sur 19,2 millions de cotisants) : c’est autant de cotisations qui ne rentrent plus.
- S’y ajoute le report du versement des cotisations patronales.
- Et si de nombreuses entreprises viennent à disparaître dans la tourmente de la crise économique, les comptes des régimes complémentaires deviendront durablement déficitaires, à moins de rogner les pensions – ce qui est en principe impossible – ou d’augmenter sensiblement les cotisations et de diminuer les rendements.
Pour faire face à la crise, l’urgence, aujourd’hui, ne consiste donc pas à renvoyer la réforme du système à la Saint-Glinglin, mais au contraire à la mener à son terme après l’avoir revue et corrigée de fond en comble afin qu’elle réponde aux nécessités – à commencer par la suppression des régimes spéciaux du secteur public, qui sont plus généreux avec leurs affiliés que ceux du privé, mais pas financés, structurellement déficitaires et payés par les contribuables. Sauvegarde Retraites a déjà indiqué la seule méthode efficace pour y parvenir : à l’inverse de ce qui s’est passé jusqu’à présent, il faut que la fonction publique se réforme la première et que le secteur privé s’aligne ensuite sur elle.
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