Réforme des retraites : circulez, il n'y a rien à voir !

Le recours à l’article 49-3 par le Gouvernement pour imposer aux Députés la nouvelle réforme des retraites ressemble à un aveu de faiblesse qui déboucherait sur un coup de force. À l’origine, Emmanuel Macron prétendait pourtant rechercher le « consensus »

« Il n’y aura pas de 49.3, la place est au débat », assurait encore Laurent Pietraszewski, récent Secrétaire d’Etat aux retraites, le 14 février dernier. Or, aujourd’hui, le débat est clos et le Premier ministre a choisi de passer en force en utilisant cet article de la Constitution. Il a argué, pour ce faire, des « blocages » auxquels se seraient livré les oppositions, à droite et à gauche. Reste que ces blocages ont été en partie motivés par le mépris affiché du gouvernement pour les Députés, l’Assemblée nationale étant traitée comme une simple chambre d’enregistrement des desiderata du pouvoir.

Ainsi, le temps laissé à la Commission spéciale de l’Assemblée nationale pour examiner le texte était très court (15 jours) et les députés étaient conviés à en débattre avant même que n’ait été réunie la Conférence chargée de dégager des pistes de financement de la réforme. (Cette Conférence de financement, organisée par le Gouvernement sur proposition de la CFDT et censée rendre ses conclusions fin avril, est assez mal partie, puisque deux syndicats – FO et la CGT – l’ont déjà quittée). En outre, les députés étaient insuffisamment informés de l’état financier actuel du système français de retraites. La réalisation d’un audit indépendant des retraites fit d’ailleurs l’objet d’un amendement, soutenu à la fois par la droite et par la gauche, inspiré par Sauvegarde Retraites. Le recours au 49-3 empêche de débattre de telles propositions, concrètes et constructives. En revanche, il renforce la mainmise de l’exécutif sur le projet de loi, déjà considérable puisque ce texte habilite le Gouvernement à prendre 29 ordonnances, portant sur une quarantaine de questions, telles que :
  • la définition de dérogations à caractère professionnel à l’intérieur du système universel de retraite (ce qui a trait à certains avantages liés aux régimes spéciaux),
  • la gouvernance du nouveau système de retraites,
  • ou encore les conditions d’entrée en vigueur de la réforme...
Ce recours fréquent aux ordonnances a d’ailleurs partiellement motivé les réticences exprimées par le Conseil d’Etat dans l’avis qu’il a rendu le 24 janvier dernier. Le Gouvernement s’apprête donc à imposer, par le biais de l’article 49-3 de la Constitution, un texte bâclé, boiteux, manquant de clarté et de sincérité. Certes, il ne pourra pas en éviter l’examen par les Sénateurs, mais le débat principal est amputé.

Rappelons qu’en 2017, le programme électoral d’Emmanuel Macron, expliquant « comment la réforme sera conduite », annonçait : « On ne conduit pas une réforme aussi ambitieuse dans la précipitation. Autant les orientations sont claires, autant il faut prendre le temps des consultations sur les modalités. Les parties prenantes – partenaires sociaux et interlocuteurs politiques – seront associés à leur définition. Nous rechercherons un consensus sur les modalités de fonctionnement du nouveau système. » En définitive, le Gouvernement a pris le contrepied de cette méthode. La précipitation a prévalu.

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