Réforme des retraites : fiasco à l'Assemblée nationale
La commission spéciale de l’Assemblée Nationale sur la réforme des retraites ne pourra pas achever ses travaux avant l’ouverture des débats dans l’hémicycle. Le projet de loi sera ainsi présenté tel qu’il a été rédigé par le gouvernement, sans même que les amendements mineurs adoptés en commission soient pris en compte. L’examen du texte a été interrompu à l’article 26, sur les 65 que compte la loi.
C’est une situation inédite, une première depuis la révision constitutionnelle de 2008. Cet échec de la commission spéciale n’est pas uniquement dû aux 22 000 amendements déposés par l’opposition. Il traduit aussi la complexité d’un texte mal ficelé dans les méandres duquel les députés de la commission spéciale, supposés être les plus compétents en la matière, se sont noyés. Sous-informés, écartés de la préparation du projet de loi, ces députés n’ont pas eu les moyens de remplir leur mission.
Cette réforme emblématique du quinquennat, parfois qualifiée de « mère de toute les réformes » ou encore de « protection sociale du 21e siècle », est ainsi devenue un fiasco majeur pour l’exécutif. Il est déplorable qu’avec un tel enjeu – 325 milliards de dépenses par an, 18 millions de retraités, des prélèvements obligatoires sur le tiers de nos revenus – l’examen du texte soit ainsi bâclé à l’Assemblée. Plutôt que de perdre du temps et de l’énergie durant plus de deux ans de pseudo-concertation avec les syndicats, lesquels portent des propositions irréalistes et mettent la priorité sur la défense des régimes spéciaux, le gouvernement aurait mieux fait de préparer soigneusement sa présentation aux parlementaires.
Voici qui traduit la manière dont l’exécutif envisage sa relation avec le Parlement. Démissionnaire du groupe parlementaire LREM, le député François-Michel Lambert rapporte au journal télévisé de France 2 : « Ce qui pose problème, c’est qu’entre Emmanuel Macron et les députés, il y a une sorte de cabinet noir d’une vingtaine de personnes qui sont juste des technocrates, qui décident de tout et qui nous donnent des fiches en disant ‘C’est ça et il n’y a pas à discuter’ ».
C’est dans ce contexte délétère que le projet de loi sera débattu dans l’hémicycle à compter du 17 février prochain et jusqu’au 3 mars. Nul ne sait, à ce stade, si l’examen en séance pourra arriver à son terme et dans les temps. Avec seulement deux semaines de débats, le délai semble bien court. Il n’est pas impossible que le gouvernement en soit réduit à passer en force via l’article 49-3, même s’il s’est engagé à ne pas le faire. Un comble pour une réforme en préparation depuis le début du quinquennat et qui aura été marquée par une vraie-fausse concertation (dont les affiliés ont été exclus) et un vrai-faux débat parlementaire !
Tandis que les avis de tempête se multiplient pour le gouvernement sur de nombreux fronts, la réforme des retraites, préparée de manière irresponsable et tyrannique, pourrait cristalliser les rancœurs de l’opinion et faire tanguer l’exécutif avec un coût politique exorbitant.
En 1991, présentant le livre blanc sur les retraites du Commissariat au plan, qu’il avait préfacé, le premier ministre Michel Rocard avait alors prévenu : « Avec la réforme des retraites, il y a de quoi faire sauter plusieurs gouvernements. » Cette prédiction ne semble jamais avoir été autant d’actualité.
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