Vers la confiscation et le pillage des régimes de retraite des libéraux
Pourquoi ? Le docteur Gérard Maudrux*, ancien président de la caisse autonome de retraite des médecins (CARMF), expose le problème sur son blog. Il concerne l’assiette de cotisation
Rappelons que le taux de cotisation ̏ préconisé ̋ par Jean-Paul Delevoye dans le cadre du futur régime ̏ universel ̋ qu’il a imaginé, serait fixé globalement à 28,12 %, en deux parties : une cotisation plafonnée de 25,31 %, applicable sur la partie de la rémunération allant jusqu’à trois fois le plafond de la Sécurité sociale (PSS), soit 121 572 € par an et une cotisation déplafonnée de 2,81 % portant sur la totalité des revenus et n’ouvrant aucun droit (elle servirait à financer le fonctionnement du régime universel).
Or, explique le Dr. Maudrux, « lors des premières réunions de ̏ consultation ̋ de la réforme, il avait été évoqué un choix possible entre 1 PSS et 3 PSS ». Si le taux de cotisation plafonnée s’appliquait à 1 PSS (soit 40 524 €), le régime universel serait limité en gros aux régimes de base tandis que, plafonné à 3 PSS, il engloberait alors les régimes complémentaires qui, en ce cas, disparaîtraient.
« La réponse a été unanime : 1 PSS. La décision a été ̏ unanime ̋ : 3 PSS. Fin du dialogue, début de la dictature », écrit Gérard Maudrux. Mais « l’unanimité » n’est pas la même dans les deux cas. La réponse était apportée par les médecins la décision prise par le haut-commissaire (nommé ministre depuis) et ses équipes – qui n’ont donc tenu aucun compte des desiderata des principaux intéressés. L’ancien président de la CARMF en explique les raisons :
« Pourquoi ce choix ? Il est très simple, avoué au départ. À 1 PSS, c’est un super régime de base, dans lequel on peut mettre tous les régimes spéciaux et les fonctionnaires pour une partie de leur retraite, mais obligeant soit à leur créer un régime complémentaire (ou à l’intégrer dans l’Agirc-Arrco), soit à continuer plus ou moins comme avant. Avec 3 PSS, cela règle le problème de ces régimes, cela couvre toute leur cotisation et toute leur retraite, sans avoir besoin de faire autre chose.
C’est uniquement pour cela que ce choix a été fait. La première conséquence est que cela fait disparaître de fait tous les régimes complémentaires professionnels et autonomes sur l’autel des régimes spéciaux, n’ayant pas le courage de leur créer une caisse de retraite (ils n’en ont pas) spécifique avec les mêmes règles que le commun des mortels. »
Étatisation et fin des libertés
Ainsi, constate encore Gérard Maudrux, « les fonctionnaires et régimes spéciaux auront eu raison du travail fait depuis 75 ans par toutes les autres professions. Ces professions avaient elles-mêmes peaufiné patiemment ces régimes, en fonction de leurs moyens, de leurs cultures, de leurs modes d’exercice, de leurs besoins propres. » Elles sont aujourd’hui menacées de voir leurs efforts réduits à néant et de perdre leur liberté. Gérard Maudrux en prévoit les conséquences :
« Pour les libéraux, c’est clair : disparition des complémentaires, et ils ne piloteront plus rien n’ayant pas voix au chapitre dans le futur CA. En matière de retraite, ils n’existeront plus et seront soumis au bon vouloir des syndicats de salariés (et de fonctionnaires, ce sont les mêmes).
Fin des complémentaires, ignorance des particularités professionnelles, mais aussi et surtout fin de l’autonomie et des libertés avec une véritable étatisation de la totalité de la retraite malgré l’annonce d’un vaste CA fantoche, avec des administrateurs désignés (par 10 % des actifs) et non élus par les affiliés, les décisions majeures (âges, taux de cotisations, valeur du point…) se feront par décrets. Quand l’Etat s’occupe de nos affaires, il est toujours trop tard et plus cher.
Les régimes spéciaux persisteront, avec dérogations et bonifications diverses, prévues par la réforme, et qui seront obtenues par le chantage »
Alors qu’à quelques exceptions près le recouvrement et les liquidations étaient bien faites dans les caisses professionnelles, le monstre de la centralisation qui arrive le fera très mal, comme on le constate au RSI (catastrophe industrielle selon la Cour des comptes) ou à la CNAV (10 % d’erreurs, délais inacceptables). Cela va devenir la norme, en multipliant par 4 les incidents et les coûts. Les frais de fonctionnement de ma caisse sont de 1,2 % on passera à 4-5 % voire plus, soit 3 à 4 % de pensions en moins, pour un moins bon service (0 % d’erreurs relevé par la Cour des comptes).
Le monstre, avec ses futurs besoins, empêchera toute possibilité d’épargne digne de ce nom à côté. L’absorption des complémentaires entraîne également le détournement des réserves. Ainsi on sanctionne les fourmis au profit des cigales. »
Si le projet de réforme n’est pas amendé, tel risque en effet d’être le sort des retraités du privé, pour que les avantages que les régimes spéciaux prodiguent à leurs affiliés soient préservés. Jean-Paul Delevoye et le gouvernement affirment que les préconisations formulées par le haut-commissaire restent à débattre. Espérons que, cette fois, le débat ne sera pas tronqué ou truqué, comme il le fut lors de la première « concertation » évoquée par Gérard Maudrux. Sinon, la ̏ grande ̋ réforme ̏ équitable ̋ annoncée se résumera une fois de plus à une supercherie.
*Cf. le blog de Gérard Maudrux : https://blog.gerardmaudrux.lequotidiendumedecin.fr
- Mots clés :
- réforme
- régimes spéciaux