Un serpent de mer : la suppression de la pension de réversion

La pension de réversion est une pension accordée aux veufs et aux veuves au décès de leur conjoint. Elle représente une fraction de la pension du défunt.

Dans le cadre des consultations sur la réforme des retraites, le gouvernement évoque la possibilité de supprimer ces pensions (du moins, interroge-t-il ses interlocuteurs dans ce sens : « faut-il ou non supprimer à l’avenir les pensions de réversion ? »). La mesure frapperait les conjoints des personnes qui n’ont pas encore liquidé leur retraite et qui sont à plus de cinq ans de la retraite.

Il s’agit d’un serpent de mer ; l’administration y réfléchit depuis plusieurs années…

Pour les partisans de cette mesure, le raisonnement est le suivant : le futur système de retraite doit être beaucoup plus contributif et équitable (là-dessus, nous sommes d’accord…). Autrement dit, une même contribution doit ouvrir les mêmes droits à la retraite.

Or les pensions de réversion n’étant pas cotisées, elles seraient donc «non contributives », il faudrait alors les supprimer (pas d’accord, il s’agit d’un sophisme).

Supprimer la pension de réversion serait une grave erreur, une décision injuste et immorale.

  • Il s’agirait d’un changement des règles du jeu brutal. Des ménages sont organisés depuis des années en fonction du droit en vigueur : l’un a une activité professionnelle, l’autre pas et le plus souvent il se consacre entièrement à la vie de famille et à l’éducation des enfants. Si cette personne survit à son conjoint, elle n’aura donc plus aucune retraite, alors même qu’elle sera âgée. Les personnes qui ont fait ce choix n’ont pas à être sanctionnées, ni d’ailleurs celles qui le feraient encore demain.

  • Près de la moitié des personnes qui perçoivent une pension de réversion ont plus de 80 ans et beaucoup sont très âgées et parfois isolées. Elles ont besoin d’aide et de soins particuliers qu’elles doivent financer. Il est donc incroyable que dans un système de retraite entièrement sous la tutelle de l’État et régulièrement vanté comme parangon de la solidarité le plus généreux au monde (mais également le plus onéreux…), on puisse s’interroger sur la légitimité de la retraite servies à des personnes veuves, âgées et le plus souvent démunies. Voilà des années que l’État accorde via les régimes spéciaux – des retraites élevées à des personnes encore jeunes et tout à fait capables de travailler alors même que cette politique est financée à crédit. L’histoire de la technocratie et de ses dérives se résume là toute entière…

  • 90 % des personnes qui perçoivent des pensions de réversion sont des femmes. Beaucoup d’entre elles ont des retraites plus faibles, voire amputées, du fait de la maternité (interruption totale ou partielle de la carrière pour l’éducation des enfants). Or, dans un système en répartition, nos cotisations ne servent pas directement à financer nos retraites mais celles de nos aînés. La véritable contribution à nos propres retraites réside dans la naissance et l’éducation des enfants, cotisants de demain. Cela rend le système de retraite par répartition très collectiviste et arbitraire (report d’une dette sur nos enfants à naître ou qui n’ont pas encore la majorité politique), mais il ne fonctionne pourtant pas autrement…

Dans ce contexte, c’est une erreur de penser qu’une personne qui ne cotise plus pour la retraite par répartition parce qu’elle consacre son temps à ses enfants et ne perçoit plus de revenus, n’y contribue plus. C’est tout le contraire. Supprimer la réversion s’apparenterait alors ni plus ni moins à une spoliation.

  • Enfin, voilà des années que la retraite par répartition est présentée par les pouvoirs publics comme étant la panacée, le seul système vraiment juste et rentable… D’ailleurs, la France est le seul pays dans lequel le « tout répartition » a été imposé par les pouvoirs publics. Pourtant, depuis quinze années, les rendements ne cessent de baisser et maintenant il est question de supprimer les pensions de réversion pour sauver le « système ». Rappelons que dans une capitalisation exercée librement, les réversions sont constituées de facto par le capital restant et que, le cas échéant, ce capital peut même être reversé aux ayants droit.


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