2 000 milliards d'euros, la partie émergée de l'iceberg de la dette publique française
Notre pays figure dans le peloton de tête des pays de la zone euro les plus endettés par rapport à la production de richesse.
La part d’endettement public incombant à chacun des 66 millions de Français, nouveaux-nés et SDF compris, s’élève mathématiquement à 30 300 euros. Et dès aujourd’hui, chaque contribuable concourt largement, par les impôts et taxes, au paiement des intérêts de la dette, qui ont approché, en 2014, 47 milliards d’euros, soit le huitième des dépenses totales de l’Etat ! Mais les nouveaux-nés sont les plus concernés, puisque c’est aux nouvelles et futures générations qu’il appartiendra de rembourser le capital.
Mais ce n’est pas tout, loin s’en faut ! Car les engagements retraite, autrement dit la « dette retraite », comme l’appelle le professeur Jacques Bichot, auteur d’une étude à ce sujet pour Sauvegarde Retraites (1), ne sont pas compris dans ces 2 000 milliards.
Selon le professeur Bichot, cette dette retraite dépasse, pour la France, 10 000 milliards d’euros, soit 5,6 années de PIB. En y ajoutant la dette publique, c’est donc une ardoise de 12 000 milliards d’euros que nous allons en réalité laisser à nos enfants, faute, non seulement d’avoir pris les mesures indispensables pour diminuer la dépense publique, mais surtout, réformé le système de retraite de manière à ramener les budgets à l’équilibre.
Concernant cette dette retraite, la situation de la France est nettement plus périlleuse que celle des pays dont la dette publique égale ou dépasse la sienne, comme l’Italie, le Portugal, l’Irlande, la Belgique et l’Espagne. Dans ces pays, en effet, les engagements retraites sont en partie couverts par la capitalisation, comme en témoigne l’importance des actifs des fonds de pension.
Actifs des fonds de pension en pourcentage du PIB en 2011
Pays | Fonds de pension en % du PIB |
Pays-Bas | 135,5 % |
Royaume-Uni | 95,8 % |
Etats-Unis | 72,2 % |
Irlande | 46,2 % |
Suède | 9,2 % |
Espagne | 7,8 % |
Portugal | 7,7 % |
Allemagne | 5,5 % |
Italie | 4,9 % |
Belgique | 4,2 % |
France | 0,3 % |
Grèce | 0 |
(source OCDE)
Comme la Grèce – lanterne rouge de l’Europe –, la France n’a pas capitalisé pour ses retraites. Elle a tout « misé » sur la répartition : les cotisations prélevées sont redistribuées pour financer les pensions. Au contraire, les pays qui ont favorisé la capitalisation disposeront plus tard des fonds épargnés pour faire face à leurs engagements de retraite. Au Royaume-Uni, par exemple, les actifs des fonds de pension équivalaient en 2011 à près de 96 % du PIB, soit 1 788 milliards d’euros.
En outre, de nombreux pays voisins disposent de fonds de réserve publics, comme la Belgique (5 % du PIB), l’Espagne (6,2 % du PIB), l’Irlande (8,6 % du PIB) ou la Suède (25 % du PIB). Ainsi, la Suède, en plus de 38 milliards d’euros capitalisés (actifs des fonds de pension), disposait en 2011 de 104 milliards d’euros de fonds de réserve publics, qui financeront une partie des engagements retraites.
En France, au contraire, le Fonds de réserve pour les retraites qui avait été mis en place par le gouvernement Jospin pour passer le cap difficile des années 2020-2040, a déjà commencé à être « mangé », aux termes de la loi Woerth de 2010. Et il n’en restera rien après 2024…
Si nous ne nous donnons pas les moyens d’assurer nous aussi le financement de nos pensions, notamment en introduisant une part de capitalisation dans notre système, la réalité finira par nous rattraper car même en imaginant que les générations qui nous suivent soient composées de super-fourmis prêtes à se serrer la ceinture au-delà du dernier cran pour assurer des retraites confortables aux super-cigales les ayant précédées, le poids incommensurable de la dette réelle sera trop lourd pour être assumé.
L’avenir de nos retraites passe part une vraie réforme du système.
(1) Titanic Debt. Dettes publiques : n'oublions pas les engagements retraite. Professeur Jacques Bichot. Etude n °39. Mai 2012
- Mots clés :
- retraite
- répartition
- capitalisation