Supprimons le COR, pas l’abattement fiscal !

En guise de vœux, en ce début d’année 2025, le président du Conseil d’orientation des retraites (COR), Gilbert Cette, a émis « à titre personnel » une idée pour résorber le déficit des retraites, qui revient à faire payer les retraités. 

Dans un entretien donné aux Echos le 6 janvier, il réitère une proposition qu’il avait déjà « évoquée », dit-il : la suppression de l’abattement fiscal de 10 % dont les retraités bénéficient comme les actifs et qui leur permet d’abaisser leur revenu imposable. (Pour les retraités, cet abattement est toutefois plafonné à 4 321 euros par foyer fiscal, ce qui n’est pas le cas pour les actifs.)
La suppression de cet abattement reviendrait à une augmentation d’impôt déguisée. Selon le patron du COR, elle rapporterait au fisc, donc à l’Etat, 4 milliards d’euros en plus par an. Pour justifier cette mesure, il fait valoir que « pour le régime de base, il y a eu ces dernières années une indexation complète des pensions sur les prix alors que le salaire moyen a connu une baisse de pouvoir d’achat et que le fardeau de la dette a fortement augmenté. » Cela revient à représenter une fois de plus les retraités comme des nantis par comparaison aux actifs.
Or, non content de mélanger les choux et les carottes (que vient faire la dette dans cette comparaison ?), Gilbert Cette déforme la réalité. En effet, l’édition 2024 de l’étude annuelle de la DREES* sur « Les retraités et les retraites » constate qu’en 2022 et 2023, les pensions de retraite des régimes de base ont été revalorisées sous l’inflation. Pour les salariés du privé, en tenant compte du régime complémentaire AGIRC-ARRCO, la pension brute moyenne tous régimes confondus des personnes déjà retraitées diminue en un an de 0,7 % fin 2021, et de 1,9 % entre fin 2022 et fin 2023 (en euros constants). Malgré une revalorisation des pensions de base de 5,3 % au 1er janvier 2024, correspondant au surcroît récent d’inflation, la DREES observe encore que « les anciens salariés non-cadres du secteur privé résidant en France et partis à la retraite il y a vingt-cinq ans – soit la durée de vie moyenne à la retraite – ont vu le pouvoir d’achat net de leur pension diminuer depuis. Cette baisse est plus forte pour les anciens cadres. » Se peut-il que Gilbert Cette n’ait pas lu cette étude ?
La suppression de l’abattement fiscal qu’il préconise frapperait aussi, en premier lieu, les anciens cadres, ce qui paraît au président du COR « équitable puisque les retraites les plus modestes ne seraient pas concernées ». L’antienne est connue : pourvu que les pensions les plus modestes soient épargnées, il serait légitime de spolier les autres retraités. Mais à quel titre ?
En fait d’équité, il n’est pas admissible que de nouveaux efforts soient demandés aux affiliés aux régimes de retraite du secteur privé, cotisants et retraités, tant que les régimes spéciaux du public, à commencer par ceux de la fonction publique, continueront à assurer à leurs propres affiliés des avantages financés par les contribuables et par l’augmentation de la dette publique.
À ce propos aussi, Gilbert Cette s’applique à dissimuler la réalité en niant l’évidence : « on entend souvent dire que le système de retraite de la fonction publique d'Etat est coûteux pour les finances publiques car spontanément déficitaire, si l'on retient le taux de cotisations des salariés du privé. Ce n'est que partiellement vrai, car cette situation s'explique principalement par la maîtrise des effectifs et la modération des rémunérations des fonctionnaires », prétend-il.
Maîtrise des effectifs ? Au mois d’avril dernier, l’ancien magistrat de la Cour des comptes François Ecalle avait révélé, dans une note publiée par l’association Fipeco (Finances Publiques et Economie), que le nombre d’agents publics a augmenté de 178 000 entre 2017 et fin 2022, pour atteindre 5,7 millions de personnes. (Quant aux rémunérations, le salaire mensuel net médian s’élevait à 2 183 euros dans le secteur privé en 2023, contre 2 725 euros dans la fonction publique d’Etat, 2 350 euros dans la fonction publique hospitalière et 1 947 euros dans la fonction publique territoriale, en 2022).
Le patron du COR a donc tout faux. Ajoutons que de son propre aveu, ce service prétendument indépendant (en réalité attaché au Premier ministre) s’est trompé en établissant dans son rapport annuel des projections financières basées sur un taux de fécondité et une hypothèse de croissance de la productivité trop optimistes.
Puisque la situation catastrophique des finances publiques appelle des économies, si l’on commençait par supprimer le COR, plutôt que l’abattement fiscal ?

*DRESS : Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques


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