François Bayrou veut assainir les finances des retraites : chiche !
Quelles conséquences l’arrivée à Matignon de François Bayrou peut-elle avoir sur les retraites et leur financement ? Le 19 décembre, lors d’un entretien sur France 2, le nouveau premier ministre a déclaré vouloir rouvrir les discussions sur la réforme réalisée par Elisabeth Borne (entrée depuis au gouvernement). Il n’envisage pas de l’abroger, ni même de la « suspendre », mais de la « reprendre ».
Par ailleurs, François Bayrou s’est dépeint comme « un militant de la retraite à points ». Il s’était en effet prononcé en faveur de ce mode de gestion lors des élections présidentielles de 2007 et 2012, et avait approuvé la disposition en ce sens qui figurait dans le projet de réforme du haut-commissaire Jean-Paul Delevoye, abandonné par Edouard Philippe en 2020. Le premier ministre considère que la retraite à points constitue une alternative au report de l’âge de départ à 64 ans et pourrait donner aux citoyens la possibilité de déterminer eux-mêmes l’âge de leur départ à la retraite. C’est une demande que Sauvegarde Retraites a maintes fois formulée, notamment dans les propositions présentées aux candidats aux élections présidentielles et législatives.
« On peut trouver une organisation différente, mais il va aussi falloir se poser la question du financement », ajoute François Bayrou, qui critique l’« analyse du financement du système de retraite (…) pour le moins discutable » à laquelle avait procédé le gouvernement Borne. Il juge impossible d’en rester à la situation actuelle, où 25 à 30 % des pensions de retraite versées sont payées par l’emprunt. Cette dette s’ajoutera à la logique perverse de la répartition minée par le déficit démographique, pour peser sur les générations futures.
En 2023, le premier ministre, alors haut-commissaire au plan, avait déjà publié un rapport critiquant la présentation trompeuse du déficit des retraites par le Conseil d’orientation des retraites (COR). Il y pointait un déficit caché de 30 milliards d’euros (au lieu des 4,4 milliards d’euros d’excédents annoncés par le COR pour 2022), principalement dû aux régimes du secteur public et camouflé sous un système de subventions déguisées en surcotisations de l’Etat employeur. Il apportait ainsi sa caution aux voix de plus en plus nombreuses qui s’élèvent pour dénoncer cet artifice, comme celles de l’inspecteur général des finances Jean-Pascal Beaufret, du professeur de droit public Rémy Pellet et du directeur des études de notre association, Pierre-Edouard du Cray – qui font état d'un déficit beaucoup plus important encore.
Le premier ministre est donc conscient des vices des systèmes de retraite français – en particulier ceux des régimes spéciaux du secteur public. Reste à savoir s’il aura le courage de prendre les mesures qui s’imposent. Il a souhaité, en présentant ses vœux aux Français, un retour à la stabilité ; mais celui-ci ne sera possible et durable que si les comptes de retraite sont à l’équilibre. Par le passé, François Bayrou s’est souvent contredit et dédit. En ira-t-il de même maintenant qu’il est à Matignon, ou osera-t-il prendre le taureau des retraites par les cornes ? Nous l’attendons et le jugerons aux actes.