Le COR, projections et boule de cristal

Le Conseil d’Orientation des Retraites a organisé au mois de novembre un colloque sur le thème : « Le COR est-il trop optimiste ? » Sans surprise, la réponse est : oui !

Que valent les perspectives d’évolution à moyen et long terme du système français de retraite, régulièrement établies par le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) ? Sauvegarde Retraites a, depuis longtemps, émis de sérieux doutes sur la fiabilité des projections publiées par ce service du Premier ministre, théoriquement chargé d’éclairer et conseiller ce dernier, mais dont les analyses servent surtout à justifier les choix du gouvernement en matière de retraites.

Et pour cause : les projections du COR (à ne pas confondre avec des prévisions et encore moins avec des prédictions !) sont notamment bâties sur des hypothèses économiques de croissance, de chômage et de productivité du travail pour le moins aléatoires. Elles s’étendent jusqu’à « l’horizon 2070 », alors qu’il suffit d’une crise économique ou même sanitaire, comme on le voit depuis un an, pour tout remettre en question. Sans parler de ce qu’il adviendra d’ici dans dix ou cinquante ans, le COR se montre d’ailleurs incapable de préciser l’actuel état financier du système de retraite.

À cet égard, ses estimations varient considérablement d’une année, voire d’un mois sur l’autre. Ainsi, dans son rapport annuel du mois de juin 2019, le COR annonçait-il un déficit de 2,9 milliards d’euros, en précisant que « le système de retraite [était] ainsi quasiment revenu à l’équilibre depuis 2017 ». C’était alors le discours convenu, repris par Emmanuel Macron et le Haut-commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye. Mais en novembre 2019, patatras ! Le COR annonce pour 2025 un déficit compris entre 7,9 et 17,2 milliards d’euros : du simple au double selon les hypothèses de travail mais, de toute manière, très loin de l’équilibre.

En 2020, la crise sanitaire modifie la donne. Au mois de juin, le COR annonce, dans une note d’étape, un déficit pour cette année-là de 29,4 milliards d’euros qui se transforme, dans une autre note d’étape publiée en octobre 2020, en 25,4 milliards. La presse économique laisse alors échapper un soupir de soulagement : finalement, c’est un peu moins grave que prévu… Et même encore moins grave, puisqu’un mois plus tard, dans son rapport annuel de novembre 2020, le COR réduit la douloureuse à 23,5 milliards d’euros. Presque deux milliards gagnés en un mois, qui dit mieux ?

Et les bonnes surprises continuent : dans son rapport de juin 2021, le COR annonce que le trou pour l’année 2020 est finalement de 18 milliards d’euros, voire 13 milliards si l’on tient compte d’un transfert exceptionnel de 5 milliards d’euros du Fonds de réserve des retraites (FRR) vers le régime général. Champagne !

Pourtant, mieux vaut ne pas se réjouir trop vite. Le 15 novembre 2021, en effet, le COR, comme pris d’un doute inexplicable, organise un colloque avec la participation de nombreux experts sur un thème ébouriffant : « Le COR est-il trop optimiste ? » La réponse à cette question est résumée par Eric Dubois, rapporteur général du Haut Conseil des Finances Publiques, et maître des débats de la première table ronde de ce colloque : « En un mot : Oui ! » Et cela, pour trois raisons : « 1. Parce rien ne permet d’exclure un scénario plus bas que le scénario bas du COR. 2. Parce que le scénario bas du COR est – au mieux – un scénario " central ". 3. Parce que le scénario central devrait même être plus bas que le scénario bas du COR. »

C’est à se demander si, pour prospecter l’avenir du système de retraite, l’Etat ne ferait pas de substantielles économies en consultant une fois par an madame Irma, voyance en tout genre, boule de cristal et marc de café, plutôt qu’en entretenant tout un service de hauts-fonctionnaires et de statisticiens distingués. Il n’est pas sûr que le résultat serait moins fiable.


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