Le fossoyeur Macron enterre la réforme structurelle
Le chef de l’Etat, en déplacement dans le Lot, a déclaré : « Je ne pense pas que la réforme qui était initialement envisagée puisse être reprise en l’état. Je pense qu’elle était très ambitieuse, extrêmement complexe et du coup, elle était porteuse aussi d’inquiétude. »
Une réforme devrait bien avoir lieu (Emmanuel Macron n’a pas précisé quand), mais « ce ne sera pas la même », a-t-il dit. Sa « priorité absolue » n’est d’ailleurs pas là, mais concerne « la question du travail et de la reprise d’activité, la mère des réformes (…) et ensuite voir comment la solidité de nos finances publiques est assurée. »
Le Président de la République - qui fut ministre de l’Economie de François Hollande - ne peut pourtant pas ignorer que les retraites constituent le premier poste de la dépense publique. Ni que, selon le Conseil d’Orientation des Retraites (COR), les engagements retraite de l’Etat – autrement dit la " dette retraite " –, étaient évalués à la fin 2015 à près de dix milliards d’euros, soit à peu près le quadruple d’une dette publique officielle considérée comme gigantesque. Ce poids, qui ralentit considérablement l’économie française, ne peut qu’entraver la reprise d’activité dont Emmanuel Macron prétend faire sa priorité.
En outre, la crise liée au ralentissement de l’économie consécutif aux mesures prises pour lutter contre l’épidémie de coronavirus a aussi eu des conséquences dommageables sur les finances des caisses de retraite du secteur privé. Ainsi, l’AGIRC-ARRCO a-t-elle dû amputer ses réserves de 4 milliards d’euros pour équilibrer son budget. Quant aux caisses du public, il est notoire qu’elles sont structurellement déficitaires et coûtent « un pognon de dingue », comme dirait Emmanuel Macron, à l’Etat, c’est-à-dire, in fine, aux contribuables.
La remise en route de l’économie française est donc indissociable de l’absolue nécessité d’une réforme structurelle du système de retraite. Comme Sauvegarde Retraites n’a eu de cesse de le démontrer depuis sa fondation, cette réforme de fond doit commencer par la suppression des régimes spéciaux du secteur public. Loin de l’envisager, la réforme initiée en mars 2020, que l’épidémie de coronavirus a permis aux gouvernements d’Edouard Philippe, puis de Jean Castex, d’enterrer opportunément, avait prévu quantité d’aménagements et de compensations garantissant finalement aux syndicats du secteur public que ces régimes spéciaux seraient perpétués.
L’on pouvait craindre que les régimes du privé ne soient finalement les seuls véritablement concernés par le régime prétendument unique annoncé par Emmanuel Macron et le haut-commissaire à l’origine chargé de la réforme, Jean-Paul Delevoye. Le risque n’en est pas écarté et le transfert à l’Urssaf du soin de recouvrer les cotisations de l’AGIRC-ARRCO pourrait bien être une étape d’une fusion des régimes du privé.
À moins que le Président de la République ne veuille s’en tenir, en fait de réforme, à des mesures paramétriques, comme un nouvel allongement de la durée de cotisation ou un nouveau recul de l’âge de départ, qui ne règleraient rien sur le fond, mais lui permettraient de gagner du temps s’il était réélu. Cette préoccupation serait très éloignée de celle exprimée le 29 mars dernier par son ministre de l’Economie, Bruno Lemaire : « nous ne pouvons pas continuer à avoir un système de retraite par répartition si nous ne savons pas le financer correctement, parce que c’est prendre une responsabilité écrasante vis-à-vis des générations qui viennent. » Et de celle d’Emmanuel Macron lui-même, qui déclarait, le 3 juin, vouloir « reprendre le fil de la nation. »
Au lieu de quoi, les « générations qui viennent » seraient sacrifiées. Après un deuxième quinquennat, le déluge ?
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