Quand le COR fait diversion

Une vérité peut cacher un mensonge. Le dernier rapport du COR pointe les régimes spéciaux des entreprises publiques pour mieux laisser dans l'ombre ceux, néanmoins spéciaux, de la fonction publique...

Le rapport annuel du COR, paru au mois de novembre 2020, évoque les « régimes de base [qui] voient en revanche leur financement en grande partie assuré par une subvention d’équilibre versée par l’Etat. C’est le cas des régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP pour lesquels cette part avoisine 60 % des ressources… ».

Autrement dit, c’est le contribuable qui paie les avantages retraite des cheminots et des agents du métro parisien. Et c’est encore lui qui finance les privilèges exorbitants que leur régime spécial (la CNIEG) procure aux électriciens et gaziers, via une taxe spéciale, la contribution tarifaire d’acheminement (CTA), prélevée sur les consommateurs d’électricité et de gaz : « Les recettes fiscales – en l’occurrence la contribution tarifaire d’acheminement – représentent également une ressource majeure pour la CNIEG (20 % des recettes) … », indique le COR.

Voilà pour la vérité.

Le mensonge, lui, concerne les régimes de retraite des fonctionnaires titulaires. Le rapport du COR recèle en effet une "erreur" volontaire, que Sauvegarde Retraites a déjà relevée dans un article publié sur son site Internet le 11 janvier : les rédacteurs du rapport écrivent faussement que 99 % des recettes du régime de retraite des fonctionnaires de l’Etat et 96 % de celui des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers proviennent des cotisations. Ainsi, le COR feint-il de croire à la réalité des cotisations dans la fonction publique. À lire le rapport, on pourrait penser qu’il existe quelques régimes spéciaux liés aux entreprises publiques, jouissant d’avantages certes injustifiables – mais qui n’auraient rien de commun avec les régimes de retraite des fonctionnaires.

En réalité, dans les régimes de la fonction publique, les cotisations sont fictives et les pensions directement payées par les impôts prélevés sur les Français. Les fonctionnaires bénéficient donc eux aussi de régimes spéciaux et d’avantages retraite payés par l’ensemble des contribuables.

S’il existe une différence, elle tient surtout à la difficulté de connaître le coût de ces avantages retraite de la fonction publique.

En effet, des recettes supplémentaires sont octroyées, aux frais des contribuables, aux régimes spéciaux de la SNCF, de la RATP et des électriciens-gaziers pour financer leurs régimes structurellement déficitaires :

  • le montant de la subvention d’équilibre versée à la SNCF a avoisiné 3,3 MM d'€ en 2020, pour 250 000 cheminots à la retraite
  • la subvention attribuée à la RATP s’élève à 718 M d'€ pour 51 000 pensionnés ;
  • la CTA a apporté à la CNIEG 1,6 MM d'€ pour 184 000 électriciens et gaziers.

Or, les déficits de ces régimes sont en grande partie creusés par les avantages retraite consentis à leurs affiliés.

Il est encore plus problématique, voire impossible, de connaître le coût pour les contribuables français des privilèges dont bénéficient les fonctionnaires. Rappelons qu’il n’existe même pas de caisse de retraites de la fonction publique de l’Etat.

Selon le « jaune » budgétaire sur les pensions de retraite de la fonction publique, attaché au projet de loi de finances pour 2021, on dénombre 2,5 millions de retraités de la fonction publique de l’Etat, 1,4 millions de la fonction publique territoriale et hospitalière et 100 000 ex-ouvriers de l’Etat à la retraite. Soit un nombre de pensionnés huit fois supérieur à celui de l’ensemble des agents de la SNCF, de la RATP et des industries électriques et gazières, dont les régimes perçoivent au total 5,6 milliards d’euros prélevés sur les contribuables.


Fermer