Agnès Buzyn refuse d'annoncer la fin des régimes spéciaux du public
Le gouvernement envisage-t-il vraiment de supprimer les régimes spéciaux, comme Emmanuel Macron l’avait laissé entendre pendant sa campagne électorale ? Selon les mots choisis, une promesse peut avoir deux significations très différentes.
C’est ce qui est apparu le 17 juin dernier, sur le plateau du Grand jury RTL-Le Figaro-LCI, qui avait invité le ministre de la Santé et des Solidarités, Agnès Buzyn. Comme le journaliste Christophe Jakubyszyn rappelait que « Le président a dit qu’il y aurait un régime des retraites unique », le ministre a rectifié : « Le régime est universel ». Ce qui est à coup sûr beaucoup plus flou : les frontières de l’univers sont vastes et même indéfinies !...
- « D’abord, il reste un régime par répartition, on n’a pas changé ce principe fondamental », a souligné Agnès Buzyn, en se gardant bien d’ajouter que les régimes du secteur public (ceux des trois fonctions publiques et des régimes spéciaux des principales entreprises publiques comme la SNCF, la RATP, les industries électriques et gazières, les contrôleurs aériens, mais aussi ceux des députés et sénateurs) ne fonctionnent nullement par répartition et sont payés par l’ensemble des contribuables français.
- « Deuxièmement, il vise à ce qu’1 € cotisé ouvre les mêmes droits pour tous », a poursuivi la ministre. « Une fois qu’on a dit ça, il y a évidemment des particularités sur lesquelles on doit s’attarder, qui sont notamment les droits non contributifs : qu’est-ce qu’on y met, qu’est-ce qu’on n’y met pas, quelle est la part de solidarité ? »
Justement, les régimes spéciaux de la fonction publique ne peuvent pas être considérés comme contributifs, puisqu’ils sont financés par l’impôt et que les cotisations y sont très largement artificielles (elles correspondent à de simples jeux d’écriture et les hausses de cotisation, fictives, ne se répercutent jamais sur le montant net des traitement). Ce n’est pourtant pas de ces régimes que parle Agnès Buzyn, mais des personnes qui ont eu « une carrière extrêmement chaotique » ou des femmes dont « une grande partie de la carrière » est « prise par un temps d’aidant ».
Christophe Jakubyszyn insiste avec logique : « Si c’est un régime unique, il n’y a plus de régimes spéciaux ! »
« Les régimes spéciaux vont être discutés avec les organisations syndicales à partir du mois de septembre et donc il y aura forcément une harmonisation. Jusqu’à quel point ? Aujourd’hui, je ne peux pas répondre », conclut la
ministre.
Il ressort de cet échange :
1) Que les négociations ouvertes avec les syndicats depuis plusieurs mois n’ont pas encore porté sur l’avenir des régimes spéciaux. Elles ont donc concerné les autres régimes. Or, les syndicats défendent en premier lieu les retraites du secteur public, où ils recrutent la majorité de leurs adhérents.
2) Agnès Buzyn se garde bien de répondre directement à Christophe Jakubyszyn et d’annoncer la fin des régimes spéciaux, mais elle parle d’une harmonisation, a priori partielle. Ces régimes ne disparaîtront donc pas.
Ces déclarations de la ministre ne sont pas de nature à lever les ambiguïtés contenues dans le programme d’Emmanuel Macron, concernant les différences entre les régimes en matière de taux de cotisation et de condition d’âge de départ à la retraite, qui pourront être maintenues. « On saura que, quand des personnes ont une retraite plus élevée, c’est qu’elles-mêmes, leurs employeurs ou l’État au titre de la solidarité, ont cotisé davantage ». Par conséquent, si l’État-employeur décide de cotiser davantage pour ses fonctionnaires en recourant pour cela – comme c’est le cas aujourd’hui – à l’impôt, les agents de l’État bénéficieront d’une meilleure pension, payée par les contribuables.
En rencontrant au mois de septembre prochain le Haut-commissaire Jean-Paul Delevoye – au moment où, à en croire Agnès Buzyn, les négociations sur les régimes spéciaux s’ouvriront avec les syndicats – Sauvegarde Retraites ne manquera pas de mettre ces questions sur la table.
- Mots clés :
- régimes spéciaux
- réforme