La vraie réforme remise aux calendes grecques ?

La hausse de la CSG est votée, mais la suppression de la taxe d’habitation est répartie sur trois ans…, et la réforme des retraites promise recule déjà !

Toutes les promesses de la campagne présidentielle n’ont pas le même caractère d’urgence. La plus pressée, apparemment, consistait à augmenter le taux de CSG, sans aucune compensation pour les retraités. Le gouvernement montre moins de hâte à supprimer la taxe d’habitation pour une partie (80 %) des contribuables locaux : la mesure devrait être étalée sur trois ans...

Reste la grande réforme du système de retraite promise par Emmanuel Macron, qui avait inscrit dans son programme électoral la fermeture progressive des régimes spéciaux et l’adoption du principe : « à cotisation égale, retraite égale ». Ou, comme le dit le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye : « pour un euro cotisé, les mêmes droits pour tous ».

Cette réforme, qui aboutirait à supprimer une trentaine de régimes de retraite, devait être mise sur le métier dès 2018. Il est question qu’elle soit reportée à l’année 2019.

Deux arguments sont mis en avant pour justifier ce retard.

1. Premièrement, Jean-Paul Delevoye voudrait se donner le temps de consulter tous les « partenaires sociaux » et les régimes pour rechercher un consensus.

C’est de la poudre aux yeux : en réalité, les « partenaires sociaux », autrement dit les syndicats, représentent essentiellement les bénéficiaires des régimes spéciaux (agents des trois fonctions publiques et des entreprises publiques), qui constituent l’essentiel de ce qu’il leur reste d’adhérents. On voit mal comment ils pourraient accepter d’un cœur égal la disparition de la manne que représentent pour eux les régimes spéciaux (voir à ce sujet le rapport Perruchot), ni comment ces régimes pourraient concourir de leur plein gré à leur propre disparition. Une telle réforme n’a donc aucune chance d’être consensuelle – on l’a bien vu en 1995 et encore en 2008.

2. Deuxièmement, à en croire Le Figaro, le gouvernement préfèrerait laisser passer les élections européennes prévues en 2019, « premier test électoral pour la nouvelle majorité ».

Mais, en différant ainsi l’accomplissement de la promesse de campagne d’Emmanuel Macron, le gouvernement prend le risque de l’enterrer, ou s’y prépare. En essayant de gagner du temps, il en perd : pour engager cette réforme qui promet d’être très controversée, le meilleur moment se situe au début du quinquennat, en profitant de ce qu’il subsiste de l’« état de grâce ». Par la suite, aux élections européennes de 2019 succèderont les municipales en 2020, les départementales et régionales en 2021, la présidentielle et les législatives en 2022…

Dans ces conditions, si les retraités du privé ne parviennent pas à l’imposer, la réforme des retraites pourrait bien être reportée aux calendes grecques.


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