Les inconnues de l'exonération de la taxe d'habitation

« 80 % des retraités vont gagner du pouvoir d’achat », selon Emmanuel Macron le 15 octobre sur TF1. Malheureusement, il existe de bonnes raisons d’en douter

À en croire le Président de la République, la hausse de la CSG de 1,7 points (soit près de 25 %) ne devrait frapper douloureusement que les retraités dont la pension est supérieure à 1 200 euros (net imposable). Emmanuel Macron se veut rassurant : en définitive, 20 % des retraités " seulement ", soit tout de même 2,5 millions de personnes, en feront vraiment les frais, tandis que pour 4,5 millions la mesure sera compensée par une exonération (progressive) de la taxe d’habitation. « Je vous fiche mon billet que dès l’année prochaine, à la fin de l’année, dans une grande partie des cas, cette taxe d’habitation diminuée d’un tiers compensera ces 1,7 points de CSG », a déclaré le chef de l’Etat. Dans la tête d’un technocrate inspecteur des finances, cela peut paraître une équation simple mais pour le commun des retraités cette idée est assez baroque. Et les retraités préfèreraient toutefois des certitudes à ce " billet " présidentiel quelque peu hasardeux.

Mais surtout, cette compensation est un trompe-l’œil. Il ne s’agit pas du même type de prélèvements : la CSG est affectée au financement de la sécurité sociale, tandis que la taxe d’habitation alimente les budgets des collectivités locales, à commencer par les communes. Ces dernières perdront donc une grande partie de leurs recettes fiscales, perte que l’Etat promet de compenser en leur distribuant une enveloppe de 8,5 milliards d’euros. Cette manne sera inévitablement prélevée sur les finances publiques – donc alimentée par l’impôt. Cela ressemble à un jeu de bonneteau fiscal : l’impôt passe d’un gobelet à l’autre et le contribuable ne sait plus où il se trouve. La réponse est simple : en définitive, il sort toujours de sa poche, quel que soit le nom ou la forme du prélèvement pratiqué…

Les « compensations » promises aux collectivités locales par Emmanuel Macron devaient être permises par les économies réalisées par l’Etat. Or, en fait d’économie, le projet de loi de finances pour 2018 laisse apparaître une augmentation des dépenses de 1,5 milliard d’euros (386,3 milliards contre 384,8 milliards en 2017). Le solde général du budget de l’Etat sera déficitaire de 82,9 milliards d’euros en 2018 (en prévision…), contre 76,5 milliards l’an dernier (contre 69,3 milliards prévus à l’origine). Enfin, la part de prélèvements sur recettes collectée par l’Etat au profit des collectivités territoriales diminue de 4,2 milliards. La question reste donc posée : qui paiera en définitive l’exonération de la taxe d’habitation pour 80 % des Français, qui est censée compenser l’augmentation de la CSG ? Quelle sera la contribution des retraités, que, par ailleurs, les autorités de l’Etat ne se cachent pas de vouloir ponctionner en priorité ?

Dernier point : l’Etat « prendra » aux retraités 1,7 points de CSG en plus dès 2018 tandis que la réforme de la taxe d’habitation sera mise progressivement en place sur trois ans – si l’Etat ne l’abandonne pas entretemps. On sait depuis La Fontaine qu’ « un bon tiens vaut mieux que deux tu l’auras », ou comme le dit un autre proverbe, que ce qui est pris n’est plus à prendre.

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