Gestion des caisses : la démocratie sociale confisquée

À l’origine, les caisses de retraite devaient « être gérées par les intéressés eux-mêmes ». Dans les faits, les grands principes de 1945 ont été occultés au profit d’une oligarchie.

L’objectif de Pierre Laroque, le « père de la sécurité sociale », était de faire du système français de sécurité sociale un modèle de démocratie sociale. Il s’en explique solennellement à la télévision le 27 mars 1947, appelant les français à élire les membres des conseils d’administration des caisses :
« Le 24 avril prochain, il va être procédé par toute la France à des élections générales en vue de pourvoir à la désignation des conseils d'administration des caisses de Sécurité sociale et d'Allocations familiales. (…) Elles sont des instruments de solidarité, comme tels, elles doivent être gérées par les intéressés eux-mêmes ou par leurs représentants élus qui pourront mieux que quiconque, orienter l'emploi des fonds et le fonctionnement même des services dans le sens des désirs des travailleurs. »
C’est ainsi qu’à l’origine, les Français ont pu élire leurs représentants dans les caisses de retraite. Mais, depuis les années 1980, les élections ont été supprimées au profit d’un mode désignation opaque et nébuleux.
Si les représentants ne sont malheureusement plus élus, on aurait pu au moins espérer que les caisses soient effectivement « gérées par les intéressés eux-mêmes », c’est-à-dire par des personnes affiliées à ces régimes. Et bien non : là encore, l’héritage de 1945 a été remisé aux oubliettes.
Dans les Conseils d’administration des caisses et dans les organismes qui gravitent dans la galaxie des retraites, de nombreux « représentants » qui n’ont rien à y faire cumulent les « casquettes » :
- Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV),
- Fonds de solidarité vieillesse (COR),
- Fonds de réserves pour les retraites (FRR), etc.
Quelques exemples valent mieux qu’un grand discours :
- Jean-Louis Butour, secrétaire général des fédérations de fonctionnaires CGT, membre du conseil d’administration de la CNAV, membre du comité de surveillance du FRR.
- Jean Hamonic, responsable des cheminots FO de la Mayenne, membre du CA de la CNAV, membre du comité de surveillance du FRR.
- Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire général de la CGT finances, longtemps appelé le « Monsieur retraite de la CGT », membre du conseil d’administration de la CNAV, membre du conseil de surveillance du FSV, membre du COR, membre du Conseil économique et social (CESE). Celui-ci a défrayé la chronique récemment en réintégrant Bercy (après 30 ans de syndicalisme professionnel à plein temps) comme conservateur des hypothèques, réalisant ainsi le super « coup du chapeau ».
- Jean-Baptiste de Foucauld, brillant inspecteur des finances, présent comme « personne qualifiée » dans quasiment tous les conseils d’administration.
- Etc.
Résultat : qu’ils soient syndicalistes ou « personnes qualifiées », non seulement les gestionnaires de nos caisses ne sont plus élus, mais certains d’entre eux ne sont même pas affiliés aux régimes qu’ils gèrent.
Comment s’étonner, dans ces conditions, du rabotage constant des pensions du privé, du siphonage de nos caisses au profit des régimes spéciaux et de l’impossibilité de mener une réforme de fond ?

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