CESE : un régime spécial pour les syndicalistes

La Cour des comptes vient de lancer un nouveau pavé dans le marais tranquille de l’un des régimes spéciaux de retraites les plus confortables et les moins justifiés qui existent en France : celui du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Les magistrats de la rue Cambon se sont en effet intéressés à l’heureux sort des 233 conseillers du CESE, dont une étude de Sauvegarde Retraites (1) avait déjà pointé, en mars 2010, les multiples avantages de leur régime de retraite, calqué sur celui des députés :


· Un niveau de pension élevé et garanti à 100 % : 707 € bruts pour un mandat de cinq ans, et 1 126 € bruts pour deux mandats (dix ans). La moyenne des pensions servies en 2013 s’élevait à 1 244 € par mois, montant supérieur à celui des retraites que perçoivent de nombreux retraités ayant cotisé toute une vie.

Sans doute n’était-ce pas suffisant : la cour des comptes observe que le montant des cotisations et le calcul de la pension des conseillers sont assis, non seulement sur le montant de l’indemnité de base, mais aussi sur celui de l’indemnité représentative de frais. Cette irrégularité (puisque l’indemnité de frais n’est pas une rémunération) aboutit à doubler le montant des retraites.

Et ces pensions généreuses s’ajoutent à la retraite que la plupart d’entre eux perçoivent au terme de leur véritable activité professionnelle ! Elles s’apparentent donc à une sur-pension, une rente que l’Etat verse, aux frais des contribuables, à 233 privilégiés pour « indemniser » des services fort peu productifs (2).

· Une réversion beaucoup plus avantageuse que dans le secteur privé, qui s’élève en moyenne à 783 euros bruts (contre 283 euros au régime général) et qui n’est soumise à aucune condition de ressources, ni d’âge.

· Un système de double cotisation pendant le premier mandat (5 ans). Les députés à l’Assemblée nationale ont partiellement renoncé, en 2010, à cet avantage onéreux, mais rien n’est trop beau pour les conseillers du CESE. Ce système de double cotisation, soulignent les magistrats, a pour conséquence d’aggraver le déficit du régime.

Car ce régime particulièrement prodigue est, de surcroît, structurellement déficitaire et accuse chaque année un « trou » de 5 ou 6 millions d’euros, que les contribuables sont appelés à combler. En effet, l’essentiel du financement de la caisse de retraite du CESE (11 millions d’euros par an) provient des fonds publics, qu’il s’agisse de subventions (plus de 6,5 millions d’euros) ou des cotisations du CESE lui-même (près de 3 millions).

La caisse de retraite du CESE dispose toutefois d’un « fonds de réserve », mais il se réduit comme peau de chagrin : les réserves ont diminué de moitié en 6 ans (de 18,4 millions d’euros en 2008 à 9 millions aujourd’hui). On sait que les conseillers ne sont jamais les payeurs : les contribuables sont là pour ça.

Rappelons, enfin, que de nombreux représentants des organisations professionnelles, syndicales et patronales (3), siègent au CESE. Les organisations auxquelles ils appartiennent gèrent avec les résultats que l’on connaît les caisses de retraite Agirc et Arrco, qui, elles, n’ont pas le droit de faire de déficit, ni de recevoir de subventions, et baissent les pensions pour tenter d’équilibrer leurs budgets. Pour ces conseillers syndicalistes, en somme, charité sociale bien ordonnée commence par soi-même…

(1) "Retraite du Conseil économique et social : un régime calqué sur celui des parlementaires". Mars 2010. Cette étude est consultable sur la page d'accueil de notre site, dans la rubrique Etudes & Analyses.

(2) Notamment 17 conseillers CFDT, 17 CGT, 17 FO, 7 CFE-CGC, 6 CFTC, 3 UNSA, 10 FNSEA, 2 Jeunes Agriculteurs, 7 MEDEF, 9 CGPME…

(3) Une vingtaine d’avis et rapports publiés chaque année par le CESE pour un budget de 138 millions d’euros : soit un coût moyen de 1,9 million d’euros par avis ou rapport !


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